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•• Cette semaine sur Tënk

25 février 2022

Le 17 octobre 1982, l’astronome Edward L. G. Bowell découvrait un astéroïde situé entre les orbites de Mars et Jupiter. Sept mois plus tôt, le 3 mars, Georges Perec disparaissait. Il fut alors décidé de nommer l’objet céleste (2817) Perec, en hommage à l’auteur.

Quarante ans presque jour pour jour après sa mort, alors que l’astéroïde tourne encore, nous sommes très heureux de vous présenter une sélection de quatre films de – ou sur – cet homme, écrivain, cinéaste et verbicruciste (liste non exhaustive).
Dans Georges Perec de Jean-Claude Héchinger – une conversation avec l’auteur menée par Viviane Forrester – Perec évoque son gagne-pain : documentaliste dans un laboratoire de recherche en neurophysiologie. Et se définit comme ses collègues du CNRS : il est bien chercheur, lorsqu’il travaille sur les mots. Il faut voir comment il prépare le récit de La Vie mode d’emploi : des dessins, des schémas, des labyrinthes, presque ; l’écriture comme une sorte de puzzle.Il y a le puzzle des appartements d’un immeuble, et il y a aussi celui des lieux, qui ont nourri l’œuvre de Perec. Les Lieux d’une fugue est une errance qui cherche à se remémorer cette journée où le petit Georges fugua par les rues parisiennes. Plus que sur le souvenir ou l’enfance, c’est un film sur la mémoire et ses détours, un film sans personnage qui restitue « judicieusement le trouble de l’enfant, et les à-coups de la mémoire ».

Est-ce une fugue, l’errance de cet étudiant, dans Un homme qui dort, notre coup de cœur de la semaine ? Cet étudiant qui un jour décide (nous avons tous été tentés) de remettre en cause toutes ses activités et « d’hiberner ». Les lieux, le temps se troublent et s’entremêlent dans cette expérience-limite et dangereuse que le personnage entreprend. Reprenons à nouveau les mots de Fabien David, qui a programmé ce Fragment d’une œuvre, et qui envisage ce film comme une « Étrange invitation au voyage (…) – voyage immobile, hypnotique et somnambule au cours duquel vous croiserez peut-être votre double. »…

Enfin, un dernier lieu, et pas des moindres, dans les Récits d’Ellis Island (1 – Traces et 2 – Mémoires), coréalisé avec Robert Bober. Un film qui pose clairement son questionnement en voix-off, cité par Fabien David : « comment reconnaître ce lieu ? / restituer ce qu’il fut ? / comment lire ces traces ? / (…) Comment saisir ce qui n’est pas montré, ce qui n’a pas été photographié, archivé, restauré, mis en scène ? / Comment retrouver ce qui était plat, banal, quotidien, ce qui était ordinaire, ce qui se passait tous les jours ? ».

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C’était le 2 mars 1974, il y a 48 ans. Ce jour-là, Salvador Puig i Antich, militant anarchiste catalan, était exécuté dans sa prison barcelonaise. Le même jour, en secret, plusieurs ex-prisonniers politiques du régime franquiste se réunissaient dans une maison à la campagne, pour un dîner. C’est ce moment exceptionnel que Pere Portabella enregistre dans Le Dîner – 1974-2018. « Véritable happening politique tourné dans la clandestinité la plus absolue », nous précise Federico Rossin, qui propose ce film. « Portabella, son équipe et les protagonistes du film risquent leur peau pour enregistrer une parole et des corps enfin libres de nous dire la prison, l’anéantissement, la grève de la faim, et la résistance antifranquiste. » Une conversation, un document historique, une réflexion sur la nécessité – et la possibilité – de la résistance.

Enfin, retrouvez cette semaine un film du réalisateur italien Nanni Moretti, qui dans Santiago, Italia se confronte lui aussi à l’histoire. Celle qui suivit le coup d’état militaire de 1973 au Chili, où l’ambassade d’Italie à Santiago accueillit de nombreux demandeurs d’asile. Ou comment, dans un pays agressé, l’action de quelques diplomates permit de sauver de nombreuses vies face à la machine militaire imposée par Pinochet et ceux qui l’ont mis au pouvoir.

Bons films !