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•• Cette semaine sur Tënk – Un kiosque et des hommes

20 janvier 2023

Le cinéma ça peut aussi se fabriquer avec un téléphone et des bouts de carton. S’il y a par ailleurs des êtres vivants et de la parole, alors c’est formidable. Dans Le Kiosque, Alexandra Pianelli (qui “se définit volontiers comme un couteau suisse”) investit, en sa qualité de couteau suisse mais aussi de plasticienne et cinéaste, un kiosque à journaux du 16e arrondissement de Paris. Et pas n’importe lequel : celui tenu depuis trois générations par sa famille. Elle rejoint donc sa mère derrière le comptoir, d’abord pour vendre des journaux (et ainsi payer son loyer). Et elle en profite pour fabriquer, sur plusieurs années, un film constitué non seulement de bouts de carton mais aussi et surtout de fragments des vies des gens qui passent là tous les jours. Le Kiosque devient alors une tendre “comédie humaine” sur fond de crise de la presse et de disparition de tels commerces de proximité. Il fallait certainement un couteau suisse pour la transmettre, avec un peu de mélancolie, mais aussi une fantaisie formelle réjouissante. Le film est sorti au cinéma en 2021, et Tënk est fier de l’avoir accompagné en production !


Nous continuons avec deux autres films qui parlent de travail. Et avec deux types d’hommes : ceux debout et ceux qui penchent.

Les Hommes debout est un portrait d’un lieu et de sa mémoire. Gerland, ancien quartier industriel de Lyon, où en 1972 eut lieu la première grande grève de travailleurs immigrés, à l’usine Penarroya, suite à la mort d’un ouvrier sur le site. Une grève qui portait notamment sur les conditions de sécurité et les maladies professionnelles. Le film de Jérémy Gravayat est un saut par-dessus le temps. S’il parle de mémoire, il parle aussi d’aujourd’hui. Lisons les mots de la programmatrice du film, Julia Pinget : “Jérémy Gravayat (…) nous conte dans ce film en forme de contre-feu les luttes d’hier et d’aujourd’hui, comment elles puisent l’une dans l’autre, se ramifient pour ne composer qu’un seul élan de colère et d’espoir mêlés dont il importe de raviver les braises”. N’est-ce pas.

L’homme qui penche est un film sur le destin et la poésie d’un homme. Celle de Thierry Metz, poète et ouvrier, auteur notamment du Journal d’un manœuvre. Dans le Lot-et-Garonne où il passa sa vie, les cinéastes Marie-Violaine Brincard et Olivier Dury filment les lieux qui l’ont vu vivre et travailler et nous font entendre ses mots. C’est un film qui “parie fort sur notre puissance d’imagination”, selon Arnaud Lambert, programmateur du film, et qui tente par le cinéma de “reconduire le geste d’écriture de Thierry Metz”. “Il en va de la fidélité à l’œuvre du poète” écrit-il. Ce geste, cette poésie dont le poète Jean Grosjean disait : “Elle ne nous retient pas par la manche comme font les vendeurs forains. Elle parle à mi-voix et l’entende qui veut.” Il continuait : “Elle dit : Qui que tu sois, tes instants ne contiennent rien d’autre, mais ils sont des miracles.” Le trajet de Thierry Metz dans la vie fut tragique, oui, et ses mots offrent des élans : “J’écris dans l’ortie, pas dans la rose. Pas encore mais j’y viendrai. La prochaine étape si elle a lieu : c’est le tournesol”.


Les trois autres films qui constituent notre programmation de la semaine sont réunis en une Première Bobine sous le titre Histoire & familles. Trois courts métrages “sortis d’école”, comme le veulent ces programmations, mais, une fois n’est pas coutume, de trois écoles différentes. Trois films qui mettent l’Histoire au beau milieu des histoires intimes et de famille en particulier : Une place dans ce monde est une rencontre avec des grands-parents autrefois engagés auprès de Solidarność. Rouge Vert Jaune, ce sont les couleurs du drapeau kurde, sous lequel est née la réalisatrice du film, Selin Dettwiler. Et enfin Sur tes cendres, de Joachim Michaux, que Tënk a primé l’an dernier au FIPADOC (festival qui s’ouvre aujourd’hui à Biarritz !) dans la section Jeune Création. L’histoire d’un père photographe de guerre et de sa fille musicienne, qui à Beyrouth se questionnent ensemble sur les traces que la violence a laissées en eux, et comment on peut vivre avec et comment on peut, peut-être, tenter de s’en débarrasser un jour…

Un dernier mot : ne manquez pas la dernière semaine de notre Escale musicale et énervée : Jeunes & bruyant·es !

Bons films !