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•• Cette semaine sur Tënk – Poésie ardente

23 juin 2023

Il n’y a pas d’opposition entre la vente de fromage et la réalisation de films pornographiques. Si jamais vous vous demandiez. On nous dit même, dans Ardente·x·s, qu’il pourrait y avoir quelques liens. Mais c’est un détail : le film que nous vous proposons se passe bien loin de la fromagerie. Il raconte l’aventure de OIL Productions, un collectif qui crée des films X et cherche à représenter de manière positive des sexualités et des corps dans toute leur diversité. Nous suivons ce groupe de jeunes femmes et de personnes queers au quotidien, que ce soit dans les moments de représentation, de prise de parole dans les médias ou dans l’intimité du travail et des prises de vues sur les plateaux de tournage. Toute entière tournée vers le plaisir, cette pornographie libre, non-genrée, politique et engagée. Toute entière tournée vers le désir.

Le désir de Karen, c’est dans Être cheval. Comme son nom l’indique : Karen Chessman est adepte du « pony-play », pratique qui consiste à rejoindre son « cheval intérieur », en s’harnachant, en se costumant et en se faisant dresser « en tant que » cheval. Ici, Karen voyage jusqu’en Floride, dans le ranch d’un certain Foxy Davis, pour parfaire sa pratique. Sabots aux pieds, brides attachées, évoluant dans un enclos sous l’œil et les rênes de son dresseur. Il y a de quoi découvrir, il y a de quoi s’étonner, même. Mais le film s’attache à la poésie, à la profondeur d’un tel désir : trouver une forme de liberté dans l’obéissance, dans la contrainte acceptée. Dans l’acceptation pleine et entière : un jour, il y a longtemps, Karen a enfin décidé de devenir libre…

Si notre programmation est quelque peu orientée cette semaine, c’est qu’à partir du 28 juin et jusqu’au 2 juillet se tiendra à Paris la 8e édition du Festival du Film de Fesses. Nous vous proposons pour continuer deux courts métrages qui y ont été programmés l’an dernier.

Fluidité, d’abord, qui ne prend pas de détour pour parler d’un désir cru. Lysa Heurtier Manzanares l’écrit : “Une voix identifiée femme qui parle de sa queue et des femmes qui l’obsèdent sur un écran noir.” Et pour le montrer, ce désir, le film choisit le grain de la pellicule et celui de la peau. Et les bruits de bouche et de soupirs, aussi.

Depth Wish, ensuite : un « désir de profondeur » qui se joue là encore en pellicule, au bord de l’eau, dans les grains de sable, dans les algues mouvantes et les creux des rochers. Un univers érotico-marin dans lequel une femme évolue, faisant surgir de tous les touchers et de toutes les matières – humaines, végétales, animales, minérales – une sensualité qu’on dirait infinie, et qui se déniche en toute chose.


Il faut chanter. C’est ce que fait Nardos Wude Tesfaw dans Stand Up My Beauty. Elle chante, c’est son métier, et part à la rencontre de femmes de son pays, l’Éthiopie, pour récolter des histoires et de la poésie. Elle rencontre Gennet, une poétesse, qui vit dans la rue avec ses enfants. Et avec elles, avec l’écriture et les chansons, c’est une plongée dans un pays qui change rapidement. C’est aussi une rencontre forte avec Nardos : exemple de femme libre et émancipée, elle doit lutter, malgré les apparences, toujours, pour son indépendance et pour garder sa vie en main…

Nous finissons avec Retour à la rue d’Éole – Six peintures populaires. Un montage de films grecs des années 50-60, accompagné d’extraits de poèmes et de piano. Laissons là quelques mots à son programmateur, Fabien David : « Maria Kourkouta fait feu de tout bois, le montage, les surimpressions, les ralentis et les répétitions apportent une telle densité cinématographique à la matière préexistante (…) que le film parvient à saisir les beautés clandestines que chaque instant contient et, ainsi, déploie ». Ce n’est pas compliqué. C’est un court métrage comme une chanson. Ou plutôt, qui fait comme l’effet que font les chansons. C’est-à-dire qui nous suspend un temps. Qui nous laisse avec l’impression d’avoir plongé dans un monde, sans trop savoir dans lequel, mais qui a à voir ici avec le mouvement, avec la grâce du cinéma et de ses silhouettes passées.

Bons films !