Par exemple, une table. On ne pose pas sa tasse sur le mot table. De même, une chaise. Il serait périlleux d’y poser ses fesses, sur le mot chaise. Par exemple, un bulletin de vote… Mais vous avez compris l’idée : il y a le mot et il y a la chose. De la politique, on débat souvent du mot. On l’utilise à tort et à travers, on éditorialise en croyant parler de fond, lorsqu’on ne fait que relayer des stratégies de communication. Notre Escale de la semaine tente de s’intéresser véritablement à La Chose politique.
C’est une Escale atypique. Coordonnée et rédigée par Tangui Perron, historien et chargé du patrimoine audiovisuel à Périphérie, elle réunit des films choisis par des journalistes et critiques provenant de différents médias. Des films qui tous mettent en jeu concrètement, parfois dans ses plus petites instances, la chose politique.
Différentes choses au programme, donc. Christophe Kantcheff, rédacteur en chef adjoint de Politis, nous propose de suivre le quotidien d’une élue locale, Françoise Verchère, dans État d’élue, de Luc Decaster. Et d’être témoins des désirs, des déboires, et de la passion et la détermination nécessaires à ce sacerdoce… En choisissant le film Désobéissant.e.s, Laury-Anne Cholez, journaliste à Reporterre, propose une autre immersion, celle-ci au sein du “mouvement climat”. De même, l’engagement s’y pratique corps et âme : il en faut de la force et de la foule pour tenter de se faire entendre – si ce n’est du pouvoir – de ce qu’on appelle “l’opinion publique” (qui soit dit en passant est une chose un peu floue).
Risquer la prison pour avoir décroché un portrait dans une mairie, c’est une réalité du régime sous lequel nous évoluons en France aujourd’hui. D’autres ont été confrontés à une police et une justice ubuesques : les jeunes gens (moyenne d’âge 70 ans) de La Cigale, le corbeau et les poulets, par exemple (programmé par Marie-José Sirach – L’Humanité). De dangereux terroristes. Leur quartier général : le tabac de la rue principale. Leurs conciliabules : des pizzas et des chansons révolutionnaires sur la terrasse. Le film raconte sur un ton rigolard leurs déboires, mais aussi leur engagement sans répit dans un paysage politicien nébuleux…
Sophie Dufau, journaliste à Mediapart, a, elle, choisi de vous montrer Sous la douche, le ciel, une histoire d’engagement, d’énergie et d’imagination, qui ne manque pas de buter sur les multiples obstacles de l’administration et des politiques publiques, comme autant de bâtons dans les roues de ceux qui souhaitent simplement venir en aide aux plus démunis (et leur offrir un bain chaud). Tangui Perron, avec Des jours et des nuits sur l’aire, de Isabelle Ingold, propose un arrêt prolongé dans cet endroit que tout le monde connait pour y faire son plein et acheter des m&ms : une aire d’autoroute, sise en Picardie. “Un film éminemment politique qui montre, sans démontrer, tout ce qui unit encore, malgré tout, les femmes et les hommes soumis à la circulation des marchandises, à la rationalisation du temps et au sacrifice des paysages.”
Enfin, (re)découvrez ce film de Robert Kramer, Ice, bien loin de la campagne picarde. Un film que Pablo Pillaud-Vivien, journaliste à regards.fr définit comme un “thriller d’anticipation, tout à la fois manifeste et brûlot politique”. Une dystopie, qui fait état de la lutte d’un groupe de révolutionnaires clandestins qui se mobilise contre le régime répressif des États-Unis soumis au fascisme… tout en montrant les errements dudit groupe et les impasses de ses méthodes…
Pour lire le texte de l’Escale, c’est par ici !
Bons films !