“Je crois que les gens pensent vraiment qu’on a besoin de réformer, nous voulons réformer, donc nous réformerons. Quand on compare avec le Royaume-Uni dans les années 80, la principale différence c’est que nous n’avons pas fait les réformes à ce moment-là. Les Français reconnaissent aujourd’hui que les autres ont alors décidé de bouger, et que nous sommes les seuls à ne pas avoir réformé notre système”
Le jeune ministre ambitieux qui en 2015, sur la BBC*, expose si clairement son admiration pour le travail de Margaret Thatcher a aujourd’hui le pouvoir en France. Il faut réformer. Ça doit aller vite, être efficace, pragmatique, nous sommes des gens responsables. La réforme des retraites : ça doit absolument se faire autour de la période de Noël. C’est-à-dire là, demain. On l’avait promis, donc ça doit se faire. Ça doit surtout louvoyer pour parvenir à faire passer les pires politiques, jamais par acceptation, toujours par tromperie ou par force. Il y a trois ans, autour des retraites, la rue s’était soulevée. Difficile de dire avec quelle efficacité, mais elle s’était soulevée. Mais quand on admire Margaret Thatcher, on admire aussi sa violence. Une rue qui se soulève, c’est quelque chose à mater. Jusque là la leçon a été bien suivie. Mais on ne peut pas tout mater. On ne peut pas contenir éternellement les humiliations, ni s’opposer à la violence qui déborde de multiples façons. On ne peut pas retenir les lents et vastes mouvements des foules.
Jeunes & bruyant·es, c’est le titre de notre Escale de la semaine, qui parle de ces mouvements de foules. Les jeunes personnes qui font du bruit, dans les films que nous vous proposons, le font pour de multiples raisons. Elles ne sont pas nécessairement politiques, ni directement engagées, ni militantes. Mais elles sont en lien direct avec leurs époques : qu’on se débatte contre le conservatisme, qu’on rêve de démocratie, qu’on ait “simplement” besoin de fuir un monde dans lequel on ne se reconnaît pas… on a souvent bien besoin de danser, de pousser le volume, de suer ensemble, lorsque tout ne va pas si bien.
En partenariat avec les Transmusicales de Rennes, notre programmateur Benoît Hické a choisi 6 films remplis de musique et de danse, qui proposent “des histoires culturelles et sociales frappées par la même envie de bousculer, de contourner, voire de changer le système”. Techno hardcore dans Hard ♡, “Zagué” dans les quartiers populaires de Kinshasa (Sitos, Kinshasa sur le qui-vive), rock breton depuis les années 80 (Rock da Breizh), vacarme et foutoir dans les rues du Caire (Electro chaâbi), Acid house (Everybody in the Place) et reggae (Babylon) dans l’Angleterre thatchérienne… des films dans lesquels la jeunesse plonge dans son époque, et l’époque dans la jeunesse.
Six films qui montrent comment la culture s’invente en dehors de toute institution, nourrie d’énergie spontanée, de joie, de colère, de désespoir. Des mouvements incontrôlables, qui ne peuvent pas ne pas exister, qu’on ne peut pas mater, et qui tirent même parfois leur force du fait qu’on les réprime – d’une certaine manière, Margaret Thatcher aurait donc inventé l’Acid house… Qui sait dire ce qui s’invente aujourd’hui ?
Bons films !