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•• Cette semaine sur Tënk – Les États généraux du film documentaire

18 août 2023

Ce dimanche s’ouvrira à Lussas, en Ardèche, la 35e édition des États généraux du film documentaire. Festival partenaire, grand festival ami, nous lui consacrons deux semaines consécutives de programmation. Avant de retrouver, la semaine prochaine, des films de l’édition 2023, commençons dès aujourd’hui avec cinq films qui ont été montrés sur les écrans en 2022, dans diverses sections.

À Lussas, il y a la sélection Expériences du regard. Non compétitive (comme tout le festival), elle est consacrée à la création documentaire francophone de l’année. Parmi les films présentés l’an dernier, voici Thun-le-Paradis ou la balade d’Éloïse, d’Éléonor Gilbert (réalisatrice, notamment, de Espace). Ladite Éloïse (qui pourrait bien être ladite Éléonor) y prend des trains. Avez-vous pris un train récemment ? Avez-vous buté en bout de quai contre un QR Code ? Avez-vous bien dématérialisé votre carte d’abonnement ? Mais avez-vous encore de la batterie ? Voilà tout un monde numérisé qui interroge, agace ou effraie la réalisatrice, qui révèle avec humour et mélancolie les petits pas qu’on fait vers un monde qui se voudrait tout lisse et tout propre…

Faire le bois, de Lola Peuch fait une histoire politique du Bois de Boulogne : « chasse gardée de la haute société française où des travailleuses du sexe se sont fait une place depuis plus d’un siècle », étrange endroit fait de coins secrets et de lieux de promenades familiales. Tandis qu’une narratrice-conteuse en évoque l’histoire, Heden, Claudia et Samantha racontent ce qui est leur lieu de travail et les évolutions des rapports de force entre hommes et femmes, étrangères et Français, police et citoyennes…


À Lussas, il y a la sélection Docmonde, qui rassemble des œuvres qui ont été développées à l’écriture lors de résidences organisées par l’association du même nom, dans différentes zones du globe.

Il y a l’Arménie, dans Tonratun, l’histoire de l’Arménie racontée par les femmes. Le tonratun, c’est le fournil. Un lieu uniquement investi par les femmes, qui y préparent le pain – le lavash. Là, la parole peut exister, et la réalisatrice Inna Mkhitaryan la fait advenir avec délicatesse, tandis que le pain se fabrique selon des règles strictes. Loin des hommes, ces femmes réunies évoquent avec confiance leurs vies, leurs inquiétudes, leurs espoirs. Et Caroline Châtelet, programmatrice, d’écrire : « entre la pauvreté quotidienne, le patriarcat écrasant et la guerre avec l’Azerbaïdjan, le film dessine une certaine histoire de l’Arménie… narrée par ses protagonistes invisibles ».

Il y a la Tunisie, avec Gardien des mondes de Leila Chaïbi. Une rencontre avec Hassan, un homme qui se serait endormi un jour, il y a quarante ans, dans le cimetière de Jellaz, près de Tunis, et qui n’en est depuis lors jamais ressorti. « Il y a élu domicile, y a trouvé la paix, vivant en indigent auprès de sa mère enterrée là, à qui il se confie quotidiennement » écrit Aurélien Marsais, programmateur de la sélection Docmonde. Le portrait au fil des saisons d’un homme vivant entre-deux – entre réalité et rêve, entre vivants et morts – mais aussi celui du lieu, ce cimetière, et de ses visiteurs venus de la ville proche.


À Lussas, il y a beaucoup de sélections différentes, oui. Et notamment une programmation concoctée par la Scam, l’un des partenaires historiques de Tënk. Malavoune Tango est un film qui a bénéficié de la bourse Brouillon d’un rêve de la Scam – qui soutient les auteurs et autrices dans l’écriture et la préparation de leurs projets. Mais c’est aussi l’un des maintenant nombreux films qui ont été accompagnés par Tënk dans leur fabrication !

Cela se passe à Mayotte. Dans le malavoune – la forêt. Des hommes vivent là, de menus trafics, de débrouille, et ils ont des chiens – considérés comme impurs – compagnons de leur quotidien. C’est en clandestins qu’ils vivent leur vie. En marge de la société mahoraise, mais aussi en proie à la possible expulsion vers les Comores voisines. « On n’est ni là-bas, ni ici, ni en France (…). On est perdus » dit l’un d’entre eux. Le film nous immerge dans cette vie d’errance avec une grande beauté formelle, et des accents quasi-mythiques. Et l’errance des chiens, et la violence des combats de chiens, comme une allégorie de leurs vies mêmes.

Bons films !