On s’interroge : quelle image avons-nous des Palestiniens ? Nous voulons dire : quelle est la première image qui nous vient en tête lorsqu’on pense aux Palestiniens ? Et d’où nous vient-elle ? Du journal télévisé ? Des vidéos-téléphone dans le chaos des rues ? De l’armée israélienne ? On constate : la Palestine qu’on a en tête est faite de conflit, d’urgence et de violence. Et elle est surtout constituée d’images, de sons, de films qui envisagent le territoire « depuis l’extérieur » (depuis l’Europe, depuis Israël, depuis l’Amérique, depuis nos tout petits écrans).
Pour voir la Palestine (et peut-être mieux savoir qui aujourd’hui meurt sous des pluies de bombes), nous avons besoin d’images, de sons, de films palestiniens. Alors pour fabriquer une programmation qui nous place là, du point de vue palestinien, et nous fasse découvrir son cinéma documentaire, nous avons fait appel à deux chercheuses, Marion Slitine et Charlotte Schwarzinger, spécialistes de l’art et du cinéma palestiniens et libanais.
Elles nous offrent cette semaine un Tours, détours en six films et un texte : Palestine, soulèvements cinématographiques.
« À l’heure où le gouvernement israélien bombarde sans relâche Gaza, colonise dans ses moindres recoins la Cisjordanie et Jérusalem-est – les Palestinien·nes, elleux, se refusent à devenir archive, écrivent-elles. Cette programmation ouvre un espace d’écoute et de réflexion pour (ré)humaniser une société meurtrie et parler de la Palestine autrement, alors qu’une armée occupante tente d’effacer un territoire, un peuple, une histoire. Un cinéma-archive contre l’effacement ».
Palestine, soulèvements cinématographiques, c’est une passionnante programmation qui vous propose notamment un grand classique du cinéma révolutionnaire palestinien datant de 1974 : They Do Not Exist de Mustafa Abu Ali. Un titre en réponse à la provocation de Golda Meir, alors première ministre israélienne, en 1969 : « Qui sont les Palestiniens ? Je ne connais personne de ce nom. Ils n’existent pas » disait-elle.
Pour découvrir les autres films programmés – réalisés par des gens qui n’existent pas, sur des gens qui n’existent pas – nous vous invitons vivement à lire le texte de ce Tours, détours, qui éclaire également l’histoire de la visibilité palestinienne depuis le début du 20e siècle. Les six films ici présents racontent qu’une mémoire existe – un passé, un présent, sur un territoire malmené mais vivant. Six films qui racontent que des gens vivent là, contraints et humiliés. Et qu’entre deux checkpoints, puisqu’on existe, on fait encore du cinéma.
« Six films, écrivent Marion Slitine et Charlotte Schwarzinger, six situations historiques et géographiques, six histoires intimes desquelles émerge une histoire collective faite de déplacements forcés, de détentions arbitraires, de ségrégation, d’expropriation et d’anéantissement. La Nakba ne s’est pas terminée en 1949, elle est toujours en cours plus que jamais. On garde en mémoire la citation d’Edward Saïd qui résonne encore tragiquement aujourd’hui : “Toute l’histoire de la lutte palestinienne a un lien avec la volonté [des Palestinien·nes] d’être visible”. Malgré tous les efforts génocidaires du gouvernement israélien, la Palestine est bien là et ne deviendra pas archive ».
Bons films !