Le 22 août 2017 au matin, Harvey passa au-dessus de la Péninsule du Yucatan. Le 23 août, après être entré dans le Golfe du Mexique, et à la faveur d’une bonne petite dépression, il commença à s’organiser et à rassembler ses forces. Le lendemain, 24 août, la pression baissant, Harvey passa d’ouragan de catégorie 1 à catégorie 2. C’est le 25 août qu’il prit enfin toute son ampleur : catégorie 4. L’œil d’Harvey toucha les terres du Texas au nord de Corpus Christi, apportant pluies abondantes et rafales de plus de 200km/h.
Il y a donc une ville au Texas qui s’appelle “le corps du Christ”. Mais ce n’est pas ce qui nous occupe ici. À 3h23 au nord-est de celle-ci (par la Route 59) se trouve Houston, où se déroule Ghost Song, de Nicolas Peduzzi. C’est en août 2017, juste avant la venue d’Harvey, quand le ciel menace. Et sous ce ciel pas franchement serein, Peduzzi retourne voir des gens qu’il avait rencontrés lors du tournage de son précédent film, Southern Belle. Il filme Alexandra, alias OMB Bloodbath, rappeuse et ex-cheffe de gang. Il filme aussi Will et Nate, gosses de riches (oui, il y a du pétrole au Texas) plus ou moins déshérités. Trois personnages pas franchement sereins qui se débattent avec leurs rêves et leurs addictions, leurs envies de musique, leurs fuites. Un film rempli d’une énergie musicale folle. Et de quelques séquences hallucinées hallucinantes.
Certaines semaines, la programmation de Tënk n’a pas peur du grand écart. Passons donc du Texas au Cameroun. Et, pourquoi pas, convoquons Georges Moustaki, qui un jour trahit sa liberté « pour une prison d’amour et sa belle geôlière ». La Promesse du bagne est un film d’amour. Celui de Adèle et Detyr, qui se rencontrèrent en prison, dans les rares moments où hommes et femmes pouvaient se croiser. Et qui s’y firent une promesse : faire leur vie ensemble une fois libérés. Mais bien sûr que ce n’est pas si simple ! La demande en mariage, la famille, le rituel… il faut aussi pouvoir y trouver la liberté – de s’aimer.
Grand écart. Ashin Wirathu est un moine bouddhiste birman. Plusieurs surnoms lui sont donnés, comme « Le Hitler birman » ou bien le « Ben Laden birman ». Vous voyez. Il est le leader du Mouvement 969, qui attise sans complexe la haine à l’égard de la minorité musulmane des Rohingya – massacrée, violée, déplacée. Barbet Schroeder consacre à ce personnage le troisième volet de sa Trilogie du Mal (après Général Idi Amin Dada : autoportrait et L’Avocat de la terreur). Côtoyer un apôtre de la haine, le filmer, le regarder bien droit, l’entendre manipuler la langue et entretenir la peur, comprendre comment les discours peuvent mener au meurtre. C’est effroyable, et c’est un film magistral : Le Vénérable W.
À Lussas, en Ardèche, il y a des pommes, du raisin et des prunes et une école documentaire (il y a les bureaux de Tënk aussi). Il s’y apprend beaucoup de choses et il s’y fait notamment des films de fin d’études. Dans nos Premières Bobines, nous avons choisi cette semaine de montrer trois films issus de la promotion 2022 de ce Master 2 Documentaire de création.
À Lussas il y a une salle de fêtes aussi, comme dans beaucoup de villages. C’est à cet élément architectural incontournable de nos campagnes que Luce Fournier consacre son film Empty Spaces, avec cette question : pourquoi les salles des fêtes sont-elles moches, archi-moches ? Théo Sauvé s’arrête, lui, sur un parking, aux abords d’un stade de foot, près d’une rivière. Un endroit où des hommes se promènent et se croisent, se donnent rendez-vous ou, juste, viennent chercher des fleurs. Le Bruit de l’eau, le Gris du parking – le Vert, fait le portrait de cet endroit et de la parole bouleversante qui peut s’y déployer. Enfin, le ventre féminin : Ève Le Fessant Coussonneau en fait le motif de La Ronde. C’est l’histoire, parlée et contée, des ventres de sa famille – mère, sœur, nièces –, de leurs douleurs, de leurs plaisirs, de leurs vies plus ou moins mouvementées.
Bons films !