On n’a pas tous les jours accès à de l’eau claire, on n’a pas toujours accès à la rivière. On n’est pas tous les jours un lézard. Le court métrage Sur le rocher de Sandrine Rouxel se pose au bord de l’eau. Sur ce rocher qui surplombe la rivière il y a des formes dans la pierre, comme des creux, comme des petites vasques, certainement formées par les crues de l’hiver. Là, on peut se lover et se laisser chauffer, sécher la peau. Ça nous dit quelque chose, une sensation, un souvenir, un fantasme. Et c’est cette sensation que nous avons choisie pour entamer notre série de l’été consacrée aux 40 ans de l’Agence du court métrage : chaque semaine, pendant 6 semaines, un court qui parle notamment… de l’été !
Qu’y a-t-il derrière La Colline ? C’est encore l’été. « Un été à Martigues. L’occasion de trinquer entre ami·es, de s’évader de la capitale, de faire une rencontre amoureuse et pourquoi pas d’avoir une prise de conscience écologique ? » Car, oui, derrière la colline il y a des choses inquiétantes, et l’insouciance est de courte durée. C’est que Martigues c’est aussi l’étang de Berre, site industriel avec toutes formes d’industries rarement eco-friendly. Le film de Julien Chauzit met en scène, entre documentaire et fiction, cette prise de conscience et les chemins qu’elle prend chez chaque personnage : que faire lorsqu’il est impossible de regarder ailleurs ?
Ce film faisait partie de la sélection 2021 du FID. Nous consacrons cinq films de notre programmation de la semaine au festival marseillais !
« Il faut se tromper » dit Jacques Brel. Mais ce n’est pas vraiment Jacques Brel qui le dit, dans le film Il faut se tromper. Enfin, si, mais disons que c’est sa voix, mais que ce n’est pas vraiment lui qui le dit. « Il faut se casser la gueule, il faut avoir mal, il faut pleurer, il faut être en-dessous de son oreiller et se tromper » dit-il. Enfin, ce n’est pas vraiment lui qui le dit, c’est plutôt l’homme qui est à l’écran, Valentin Dilas. Cet homme, c’est comme s’il avait avalé des voix et qu’il les faisait ressortir de sa bouche. Pour nous raconter toute une histoire, son histoire, un peu, sur une journée, du matin au soir. C’est une vraie performance d’acteur, c’est drôle et impressionnant et touchant : Il faut se tromper, de Jean Boiron-Lajous.
Du matin au soir également, la journée parfaite de Karl Holmqvist : Karl’s Perfect Day. Karl, il est poète, vidéaste, performeur. Il est suédois et vit à Berlin. Et comme l’écrit Charlène Dinhut, qui programme le film : « Peu importe que l’on connaisse le travail de Holmqvist, Rikrit Tiravanija nous emmène très généreusement dans cette journée magnifiée aux fleurs psychédéliques, aux éléphants-téléphones » (oui : « éléphants-téléphones »). Une manière de rencontrer aussi l’art singulier du personnage, mêlant avec joie et désinvolture la création et les réactions spontanées qu’elle provoque.
Autre artiste au travail : Paul Vecchiali. Auteur de très nombreux films, réalisateur inspirant, il est décédé il y a quelques mois et le FID lui consacre cette année une programmation spéciale. Dans Revoir La Martine, de Pascal Catheland, on le voit sur le plateau de tournage de Trois mots en passant, court métrage réalisé en 2015. Et le film aiguise notre attention : au jeu des comédiens, aux indications du réalisateur, aux silences demandés. Un tournage est une histoire d’écoute, et cette sorte de making of nous ouvre les oreilles.
Autre film passé par les écrans du FID, cette fois-ci en 2021 : Elefantin – Bibi Must Go. S’est-on jamais demandé quels traumatismes pouvait vivre une éléphante dont tout le troupeau entier a été tué, qui a été transférée du Zimbabwe à un zoo de Berlin-Est, puis encore déplacée autre part ? On se l’est demandé, pour Bibi, et le film choisit une approche empathique, notamment par des témoignages d’humains, pour envisager ce qui pourrait être sa dépression, qui la mena un jour à un geste extrême…
Un mot pour finir. Ça parle de police. Et de son rapport aux « quartiers populaires » et à leurs habitants. On est loin de la plage. Mais en plein dans une inquiétude pas sourde du tout, et beaucoup trop actuelle. Ça parle d’ordre public et de sa doctrine.
Nous vous proposons en ce moment 5 films en location (pour les abonnés) qui sauront parler, directement ou indirectement, des événements qui agitent notre société française aujourd’hui (mais depuis tellement longtemps !). De Frères (qui fait témoigner trois frères d’hommes tués par la police en France) à Kindertotenlieder (qui retravaille les images des émeutes de 2005), en passant par les États-Unis (Black Code, Bodycam), mais aussi en allant voir en amont, au moment de la formation des policiers (La Cité de l’ordre).
Bons films !