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•• Cette semaine sur Tënk – L’Égypte, l’uranium et huit papillons

26 janvier 2024

« Il y a bien des hommes qui portent des shorts », répond Samaher Alqadi lorsqu’on lui fait remarquer qu’elle découvre un peu trop ses jambes dans la rue. Parce que « le corps de la femme doit être préservé du regard. Et même sa voix, elle ne doit pas se faire entendre ». As I Want, ce sont des femmes qui donnent de la voix. C’est un combat dans les rues du Caire. Un combat contre le harcèlement permanent, contre la peur, contre l’impunité des violeurs. La réalisatrice montre les femmes égyptiennes en action, au milieu d’un pays qui semble en révolution permanente – ces manifestations qui sont justement autant de dangers pour les femmes qui, par dizaines, s’y font agresser sexuellement. As I Want, c’est aussi le portrait intime d’une femme réalisatrice, mère de deux enfants, sœur, mais aussi fille d’une femme à qui elle s’adresse. Une femme, sa mère, dont elle interroge la liberté. Une femme qui a affiché son diplôme universitaire au mur de sa cuisine et qui découvre à 60 ans ce que c’est que de sortir au cinéma…

C’est la mère de Faustine Cros qui est dans Une vie comme une autre. La réalisatrice y regarde ses films de famille. Vous savez, les films de famille : des moments heureux, de belles images, ici tournées par le père cinéaste. Mais au coin de ces images il y a la mère de Faustine, sur qui notre attention se porte. Et la fille « épluche les vidéos de sa propre enfance, couche par couche », écrit notre programmatrice Carolin Ziemann. Parce qu’elle tente d’y « découvrir quand et pourquoi sa mère, forte, autodéterminée et joyeuse, est devenue une femme derrière le front de laquelle seules la tristesse et la colère semblent lutter l’une contre l’autre ».

Le film a reçu une mention spéciale dans la compétition internationale l’an dernier au festival En Ville ! à Bruxelles, qui ouvrira son édition 2024 le 29 janvier prochain. Les Porteurs, lui, y obtint le Prix du jury de la compétition Échappées. Dans Les Porteurs, il y a un os d’éléphant pour remuer la nourriture, une plume pour attraper des termites volants, huit papillons, une corde faite de racines, 150 mètres de pellicule exposée mais pas encore développée, et bien d’autre objets encore. C’est une liste de ce qui a été « collecté » au Congo au début du 20e siècle par les colons belges. Dans le film, des jeunes bruxellois, confrontés à ces archives, jouent à des jeux de mots et discutent. Aussi, ils regardent des films d’archives et s’interrogent : « Comment les Blancs ont-ils fait pour entrer dans la tête des Noirs ? »

Le film Angle mort reçut, lui, le Prix des Droits humains à l’Amnesty Film Festival qui ouvrira le 2 février prochain. C’est un court métrage dense et créatif, qui traverse trois décennies d’Histoire de la Tunisie. L’histoire d’un disparu sous la dictature de Ben Ali, un homme enlevé, torturé puis tué qui se rappelle à nous. Et dont l’histoire nous rappelle que « le Mal est une œuvre souvent collective ; que la corruption est une maladie contagieuse ; et que très facilement, l’humain peut déshumaniser son prochain… »


Vous vous demandez : l’uranium est-il compatible avec le socialisme ? En regardant Sonne Unter Tage vous aurez peut-être un début de réponse. Une histoire d’extraction du minerai, en Saxe et Thuringe, RDA, pour le compte de l’industrie et du programme d’armement de l’Union Soviétique. Un film qui va chercher ses images sous terre. Oui, ça rayonne, l’uranium, et ça impressionne les images, ça y imprime sa marque. Dans la région, la résistance citoyenne s’organisa contre la politique écologique de la RDA et ses pratiques d’exploitation effrénées aux conséquences désastreuses pour l’homme et la nature…

Pour finir, découvrez Le Grain et l’Ivraie, du réalisateur (et homme politique) argentin Fernando Solanas. Une vaste enquête, passionnante, caméra au poing, sur le modèle agricole de son pays – agriculture transgénique, utilisation intensive des agrotoxiques, glyphosate, épandages, fumigations, etc. Un film qui expose les effets délétères sur l’environnement et la santé de la population, tout en présentant de possibles solutions, alternatives, capables de respecter nos corps tout autant que notre milieu…

Bons films !