Nous vous proposons cette semaine encore une programmation entièrement consacrée au festival Cinéma du réel, qui se tient à Paris jusqu’au 2 avril.
Quatre films nous parviennent aujourd’hui du Vietnam. Et plus précisément : ils ont été fabriqués dans le cadre des Ateliers Varan. Ces ateliers de réalisation nés à la fin des années 70 en France à l’initiative de Jean Rouch, ont, année après année, formé de nombreux cinéastes aujourd’hui reconnus. En 2004, une antenne fut créée au Vietnam, à Hanoï, et plus tard dans d’autres villes, et plus tard une structure de production se mit en place, et plus tard de nouveaux ateliers de réalisation…
C’est de cette dynamique que sont nés les quatre films Premières bobines de cette semaine : les ateliers Varan Vietnam :
Children of the Mist a reçu l’an dernier à Cinéma du réel le “Prix Clarens du documentaire humaniste”. C’est un film bouleversant qui, en suivant le parcours d’une jeune fille prénommée Di, révèle le déterminisme qui domine la société Hmong, dans le nord du pays : là, les jeunes filles, dès leur plus jeune âge, savent qu’un jour arrivera l’inévitable “kidnapping de la mariée”. C’est avec cette conscience que Di, 12 ans, grandit au quotidien. Et le film la montre pourtant avec son étonnante légèreté, avec sa vie de tous les jours : est-ce un jeu pour elle ? C’est une question dérangeante, que le film n’évite pas. Faut-il voir les sociétés de l’extérieur pour en cerner tous les enjeux de domination, les rites toxiques ? Quelle conscience avons-nous vraiment de nos héritages ? Qui peut dire qu’il n’est pas un peu Di ?
Autre film produit pas la structure Varan Vietnam Co. Ltd : Le Dernier Voyage de Madame Phung. Cette Madame Phung est attachante, et elle mène une troupe tout aussi attachante de chanteurs et magiciens travestis sur les routes du pays. “Chaque soir, armé·es de micros, iels se racontent, faisant parfois de leur travail un espace de revendications. Chaque soir, dans l’ombre, iels se confrontent à la violence physique et à l’hypocrisie de leur exclusion” écrit Alizée Mandereau, qui programme le film. Ou comment se réunir peut être une nécessité de solidarité et de survie !
Les deux autres films vietnamiens de la semaine sont directement issus des résidences de réalisation organisées par Varan. Dans Rêves d’ouvrières, la réalisatrice Tran Thi Phuong Thao plonge dans la logique du marché du travail. Dans une société en plein développement économique, on pourrait croire, grâce au travail, à la promesse d’un certain confort de vie ? Non ?
Et enfin, attention, titre long : Dans le quartier de Tanh Côngh, il y a le village de Tanh Côngh. C’est un film qui nous fait prendre conscience du pouvoir de la bande son de nos rues : lorsque le pouvoir diffuse une radio dans l’espace public, comment y échapper ? Le temps d’installer de nouveaux hauts-parleurs, le film cherche à trouver quelques interstices de liberté pour les oreilles…
Prochain arrêt : L’Escale de Guinée. Franssou Prenant, réalisatrice unique que Cinéma du réel a mise à l’honneur cette année, dit : “le film n’est pas un documentaire sur la Guinée, pas plus qu’un journal de bord, il est la conjugaison du voyage et de la mémoire, du regard de l’exilé volontaire et de la vie qui mène son train”. En 1986, dans un pays tout récemment ouvert, elle choisit de rester six mois. De filmer et d’écrire et de vivre. Et tout est alors de grande beauté : les images en Super 8 et la voix off, véritable poème en prose qui les accompagne. À découvrir, ainsi que tous ses autres films !
pour finir cette lettre, voici un court métrage. Il y a des cailloux, une rivière, des marguerites, des cartes de tarot. Il y a une femme, la réalisatrice Janis Reyes, qui se présente et affirme qu’elle a peur de la mort. Elle dit qu’elle a connu, enfant, une poule qui a par la suite disparu. Partie. Envolée. Et la femme ne l’a pas oubliée. Et son film parle de la mort en toute liberté, légèreté, gravité, par associations d’idées, par images, par “tableaux”. Éva Tourrent le dit en quelques mots : c’est “un questionnement sur la vie et la mort (…) [qui] fait penser aux collages et autres associations d’idées propres à la poésie surréaliste. Une pépite charnelle et visuelle qui en appelle à nos sensations plutôt qu’à notre cortex” !
Bons films !