464 748 pages de 19 899 cahiers ont été remplies de doléances lors du grand événement démocratique que fut le Grand Débat National (avec des majuscules) en 2019. Souvenons-nous : au lendemain des premières manifestations des Gilets Jaunes (avec des majuscules), le gouvernement français était à l’écoute des citoyens, ouvert au débat, avide de consultations, friand de grandes conventions citoyennes. C’était il y a 5 ans. Ce fol engouement pour la démocratie s’est depuis un peu émoussé. Les doléances des 19 899 cahiers, promises à publication, sont restées confinées. Et par ailleurs, parmi les milliers de blessés des manifestations, on compte 23 personnes éborgnées.
Les Gilets Jaunes, c’était des millions de gens dans la rue, pendant des mois, tous les samedis. C’était la colère. Pendant des jours, sur les ronds-points. C’était des gens qui se parlent, au moins. Et qui se rencontrent. Boum Boum, c’est une rencontre. Celle de Pierrot et de Laurie, la réalisatrice. Une histoire d’amour en plein cortège. Un film qui mêle l’amour et la lutte : deux élans qui s’éclairent l’un l’autre tout au long du récit, de samedi en samedi. « C’est bien un désir lumineux qui fonde le mouvement, éprouvé dans les corps autant que les esprits : la raison ne peut suffire à alimenter un tel brasier » écrit Olivia Cooper Hadjian. Marcher, faire la révolution, s’aimer, tenter de tout réinventer à deux, à plusieurs ou à des milliers. Ici, oui, tout est affaire de désir, politique ou physique !
J’veux du soleil est un pur film de rencontres. Gilles Perret (réalisateur de La Sociale) et François Ruffin (député de la Somme) sont partis sur les routes pour une sorte de road-movie, direction : les ronds-points en jaune. Et à chaque stop, « c’est comme un paquet-surprise qu’on ouvrirait. Qu’est-ce qui va en sortir ? Des rires ou des larmes ? De la tendresse ou de la colère ? De l’art ou du désespoir ? » C’est réjouissant d’humanité, révoltant, plein d’énergie et d’humour. Et c’est un retour sur ce très étrange moment de l’histoire française récente, où l’on pouvait se trouver debout ensemble et côte à côte, sans se connaître, et sans même être d’accord.
Notez enfin que le film Les Voies jaunes, de Sylvestre Meinzer, soutenu par Tënk et le département de l’Ardèche, est sorti en salle il y a quelques jours ! Trouvez votre séance ici !
Nous consacrons cette semaine une programmation Premières Bobines à l’INSAS, école de cinéma bruxelloise. Trois films de fin d’études tournés respectivement en France, en Grèce et en Pologne. Le premier, Les Yeux carrés, se déroule à Marseille, ville à la pointe de la vidéosurveillance, et suit notamment des personnes qui tentent de résister au contrôle de cet œil permanent. Alizée Mandereau, programmatrice, s’interroge : « le film s’amuse à déjouer les algorithmes, à occuper l’espace public en dehors des usages normés et enregistrés. Une réflexion peut alors s’amorcer : pour qui sont faites nos villes et qui ces caméras tentent-elles d’exclure ? »
Journal d’une solitude sexuelle, de Nina Alexandraki, est un journal intime dans lequel la réalisatrice raconte ses rencontres sexuelles et s’interroge sur ce désir permanent qui se confronte à la réalité, qui ne trouve pas de satisfaction. « On partage la solitude et la manière dont elle bute face à la difficulté de rencontrer l’autre et son propre plaisir, dans une société hétéro-patriarcale qui nous invite à rejouer le même scénario d’une nuit à l’autre… »
Enfin, Autour d’eux, la nuit, de Vassili Schémann, suit un chœur de mineurs à Lubin, dans l’ouest de la Pologne. Des hommes qui chantent ensemble le souvenir de leurs collègues, le travail au présent et la crainte de voir disparaître la mine, emportant leurs emplois et toute une culture vivante…
Nous complétons cette programmation de la semaine avec Tutto apposto gioia mia. Un film qui fut montré en 2022 au festival Entrevues Belfort, dont la 38e édition s’ouvrira lundi prochain.
Chloé Lecci López, la réalisatrice, rend visite à sa famille paternelle à Catane, en Sicile. Le père en question, il est emprisonné (il a été arrêté en voulant fuir du Maroc à l’Espagne en jet-ski). Et elle, elle s’interroge : quel est ce chemin qui semble mener à coup sûr à la délinquance ? C’est un film très sensible et curieux qui arpente non seulement la famille (tante, oncle, petits cousins) mais aussi cette ville, Catane, située au pied de l’Etna. C’est quoi une vie de gangster ? C’était quoi la jeunesse de son père ? Les destins sont-ils vraiment tout tracés ? Certains, comme le jeune Giulio, veulent y échapper. C’est tout un travail de dépasser les clichés.
Bons films !