Cette semaine, nous avons imaginé qu’un message limpide pourrait vous faire du bien.
Le voici : regardez La Commune, de Peter Watkins.
Parce que 1871, c’était il y a 150 ans, certes. Mais aussi tout simplement parce que c’est un film exceptionnel. Peter Watkins y manie son anachronisme avec brio : le film montre – entre autres – le traitement médiatique de l’événement parisien par deux télévisions, l’une officielle et versaillaise, à la botte du pouvoir, l’autre communale et indépendante. “Toute ressemblance, etc.”
C’est un film extraordinaire dans sa facture même : une reconstitution qui met en scène son artificialité, un tournage en plans-séquences avec 200 comédiens, une durée conséquente… Watkins lutte contre ce qu’il appelle la “monoforme” télévisuelle : “un torrent d’images et de sons, assemblés et montés de façon rapide et dense, une structure fragmentée mais qui donne l’impression d’être lisse“. Voilà une parole qui nous touche au cœur, à Tënk : la nécessité politique de résister au flux et à l’uniformisation du langage audiovisuel. Watkins poursuit et insiste : “Les professionnels des médias ont un rôle-clé dans la maintenance des systèmes autoritaires et dans l’escalade des violences physiques, sexuelles et morales. (…) [La télévision] est entre les mains d’une élite de puissants courtiers, de magnats, de cadres, de responsables de programmes et de producteurs, qui disposent d’un pouvoir colossal et qui imposent partout leur idéologie mondialiste et commerciale, cruelle et cynique, et refusent, bien entendu, de partager ce pouvoir. Ils veulent être tranquilles pour manipuler les esprits.”*
Nous sommes en 2021. Le pouvoir politique est entre les mains d’une élite de puissants banquiers, de magnats, de cadres, de trouveurs de punchlines, d’inventeurs de fictions, de petits ambitieux, de grands dérangés, qui imposent leur idéologie irresponsable, cruelle et cynique, et refusent de partager le pouvoir avec ceux qui devraient en être les premiers porteurs : les citoyens. Ce faisant, ils tuent des gens.
Regardez La Commune, de Peter Watkins.
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Nous aurions aimé que notre message soit vraiment limpide, mais nous sommes embêtés : le reste de notre programmation est également assez exceptionnel.
D’abord, le film marocain culte De quelques événements sans signification de Mostafa Derkaoui, resté censuré et invisible pendant près de 45 ans, “trésor enfin retrouvé” selon notre programmateur Federico Rossin : “art poétique et manifeste théorique pour un nouveau cinéma marocain, mais aussi amer constat de son impossibilité dans une société qui ne change pas”…
Ensuite, une forte expérience groenlandaise dans Les Hommes, qui prend très naturellement sa place sur notre Plage Écoute, consacrée à l’ouverture des oreilles. Un film dans lequel les Hommes en question sont regardés du point de vue de la banquise, des cailloux et de la mousse, comme d’étranges visiteurs…
Et enfin, 3 films de Pierre Creton (en écho à l’intégrale de ses films présentée cette année à Cinéma du réel), dans lesquels vous pourrez retrouver Françoise Lebrun lisant Proust, Jean Lambert lisant Cioran, et des vaches à lait.
Bons films !
* Citations tirées de l’article Peter Watkins filme la Commune de Philippe Lafosse, paru dans le Monde Diplomatique en mars 2000.