Ne nous demandez pas trop comment ça s’appelle précisément. C’est du jazz, oui, et puis c’est un joli bazar avec des cuivres dans tous les sens qui se répondent et s’allient, des violons, un piano, une batterie. Pour commencer en fanfare cette semaine, nous vous proposons de découvrir comment le compositeur Willem Breuker organise et dirige ce bazar d’une main de cuivre : c’est dans Amsterdamned Jazz – Willem Breuker Kollektief. Une musique qui se déploie sur scène avec une liberté et une énergie réjouissante, et qui a notamment accompagné et nourri de nombreux films de Johan van der Keuken.
Il fut un temps où vous n’auriez pu voir Histoires d’A que sous le manteau. C’était en 1973, année où le film fut fabriqué par Marielle Issartel et Charles Belmont, « deux ans avant la loi Veil, dans un contexte de criminalisation de l’avortement, alors même que cette pratique condamnée à la clandestinité causait chaque année la mort de plusieurs dizaines de femmes ». S’il fut censuré par le ministre des Affaires culturelles de l’époque, c’est notamment en raison de sa visée pédagogique : la commande initiale faite aux cinéastes était de réaliser une « bande de démonstration » – une longue séquence montre en effet un avortement en temps réel. Tract sauvage devenu un classique du cinéma militant, diffusé clandestinement et largement, il laisse le temps à la parole et aux témoignages et aborde l’avortement sous l’angle franchement politique : oppression des femmes, lutte des classes, oppression des ouvriers. Chloé Vurpillot écrit : « finalement, il n’est jamais question de morale, mais de contrôle des corps des femmes et de la fécondité. Loi hypocrite, médecine de classe. C’est là, aussi, qu’Histoires d’A reste un film essentiel, à la fois document historique et pamphlet toujours actuel, nous invitant à “relier le problème de l’avortement beaucoup plus largement aux luttes au niveau de l’appareil social en entier” ». À découvrir.
Le 11 septembre 1973 Salvador Allende se donnait la mort dans son bureau du palais de la Moneda à Santiago du Chili, refusant de se rendre à l’armée qui attaquait le bâtiment. Le 11 septembre 1973 marquait le début de 17 ans de dictature d’Augusto Pinochet, de disparitions, de torture, d’exil et de répression. Pour les 50 ans de cet événement, nous avons fait appel à la programmatrice Francisca Lucero, qui organise à partir de lundi prochain à Videodrome 2, à Marseille, le cycle Au-delà de la mémoire – 50 ans du coup d’État au Chili.
D’abord, voir et écouter Salvador Allende. En 1971, le réalisateur Miguel Littin enregistrait dans son film Compañero Presidente une conversation au long cours entre Régis Debray et le président chilien nouvellement élu. En 1973, au lendemain du coup d’État, Chris Marker proposa au réalisateur chilien (qui s’exila au Mexique) d’en monter une version courte pour On vous parle de, série de « contre-information » créée par SLON (Société pour le Lancement des Œuvres Nouvelles). On retrouve dans On vous parle du Chili : ce que disait Allende le charisme de l’homme d’état et, déjà, son inquiétude quant à l’attitude de la bourgeoisie « qui ne reculera devant rien » face à sa politique…
La Cité des photographes témoigne du courage et de l’engagement d’un groupe de photographes – l’Association des Photographes Indépendants – qui a continué à arpenter les rues et les bidonvilles du Chili, pour témoigner des violences et de la répression du régime, mais aussi des luttes quotidiennes de la population. Francisca Lucero écrit : « Avec ce film, le réalisateur Sebastián Moreno rend hommage à son père et à ses camarades photographes qui, refusant l’impuissance, ont agi au risque d’être arrêtés ou même tués. Leurs photographies témoignent de ces événements, les situent dans le temps et sont devenues emblématiques. Des images qui s’imposent contre l’oubli. »
Troisième film de ce programme, Le Pacte d’Adriana pose la question de la mémoire et des culpabilités. La réalisatrice Lissette Orozco y suit le parcours de sa tante, qu’elle a toujours admirée, et dont le passé refait surface : elle fut secrétaire personnelle du directeur de la police de sécurité de la dictature, et à ce titre témoin directe d’actes de torture. Le film – de 2017 – parle de « cette société où les victimes et les agresseurs cohabitent encore [et] questionne l’espoir de réconciliation au sein d’une famille, mais aussi d’un pays ».
Transition : Baltasar Garzón est le juge espagnol qui en 1998 inculpa Augusto Pinochet. Et c’est le même Baltasar Garzón – alors avocat – qui, dans Hacking Justice, dirige l’équipe de défense de Julian Assange, fondateur de Wikileaks. Le film : trois ans d’accès privilégié, au plus près des dossiers et des procédures, dans les taxis et les cabinets ministériels, et puis derrière les portes fermées de l’ambassade d’Équateur où Assange resta enfermé pendant 7 ans (et où d’autres caméras, toutes petites et cachées au plafond, ne se gênaient pas, elles, pour filmer en continu). C’est un double portrait, celui du défenseur et celui du défendu. Avec ce personnage, Assange, figure incontestable de la liberté de la presse, figure héroïque questionnable, dont le destin personnel se mêle à des enjeux politiques stratosphériques…
Bons films !