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•• Cette semaine sur Tënk – Frammartino, le col, la boîte de nuit

5 janvier 2024

Peut-être a-t-on besoin d’espace et de silence en ce début d’année. Peut-être que les films de Michelangelo Frammartino pourront nous convenir ; on pourra s’y lover. Dans l’un de ses textes accompagnant le Fragment d’une œuvre du cinéaste, notre programmateur Fabien David utilise certains mots : calmement, sans discours, avec force, en douceur, avec humour aussi. Voilà. Nous vous invitons à entrer dans les films de ce réalisateur italien, tout de contemplation et d’attention aux paysages et aux êtres et choses qui les peuplent.

Il Dono se déroule en Calabre, dans un petit village qui petit à petit se dépeuple. Un vieil homme et sa maison, une jeune femme et son vélo, un téléphone portable, une image porno, des animaux, des épaves de voitures, des gestes et des rituels : tels en sont les principaux composants. Et cela se déroule, avec une toute petite trame de fiction. Il faut s’y laisser aller, dans ce premier film du réalisateur, qui annonce calmement les suivants.

Il y a Le Quattro Volte, en Calabre encore, et encore d’une attention rare aux éléments, où « dialoguent les branches sous le vent et les cloches au cou des chèvres bêlantes »… Et puis il y a Il Buco, son dernier long métrage. « Ici, le cinéaste se fait spéléologue et nous entraîne dans l’exploration d’un hors-champ absolu : un gouffre, l’un des plus profonds d’Europe » écrit Fabien David. C’est l’Abîme de Bifurto. Un tournage qui a posé des défis physiques fous pour l’équipe, mais aussi de grands défis de réalisation pour le cinéaste ! Comment filmer ce paysage, l’inconnu absolu, le noir, le sombre, l’abîme ? Avec quel film peut-on bien en ressortir ? Allons y voir, pour savoir… Laissons-nous prendre dans les films de Frammartino !


En Afghanistan ou au Pakistan, dans certains endroits, dans certaines familles, lorsqu’on n’a pas eu de fille, on fait le choix d’en élever une à la manière d’un garçon. C’est une pratique ancienne, connue sous les mots « Bacha Posh ». « Habillée comme un garçon » cette jeune fille grandit et se présente à la société, accédant ainsi aux rôles que celle-ci réserve aux hommes. Dans Boy, de Yalda Afsah et Ginan Seidl, nous suivons deux histoires de Bacha Posh. Celle de Farahnaz, 13 ans, à Mazar-e-Sharif, et celle d’une chanteuse afghane de 24 ans vivant aujourd’hui à Londres, qui témoigne du fait qu’elle portait des vêtements de garçon pour être plus libre dans la société afghane…


Être réalisatrice et patiente, c’est la position peu banale de Marie Bottois dans Le Passage du col : d’un côté, en pleine maîtrise de son film et de l’autre en position d’extrême vulnérabilité. La cinéaste se fait poser un stérilet en compagnie de Léna, sage-femme jouant son propre rôle, et d’une petite équipe de techniciennes de cinéma. « Marie Bottois nous fait traverser avec une émotion vive ce moment que de nombreux·es patient·es vivent sans voir, ni toujours comprendre ce qui se passe dans leur vagin », écrit notre programmatrice Lysa Heurtier Manzanares. Un partage d’expérience qui revendique son lien avec le cinéma militant féministe des années 70 et qui, par la douceur et la confiance de ce moment, renvoie immanquablement à ce qu’il peut y avoir de violences dans le cadre gynécologique. Et puis il y a la pellicule, qui donne au film sa matière, et à ce passage du col les couleurs d’un « paysage inconnu ou oublié »…


Pour finir, nous vous invitons dans une enquête impressionnante et terrible. Celle qui a suivi l’incendie d’une boîte de nuit, le Colectiv Club, à Bucarest en 2015 : de nombreux patients admis dans des hôpitaux sont décédés alors que leurs blessures n’auraient pas dû mettre leurs vies en danger. L’Affaire collective raconte l’investigation qui suivit, qui fit éclater un immense scandale, sanitaire et politique, révélant la corruption au sein du gouvernement. Une corruption qui, presque directement, tue des gens. C’est le jury jeune du festival Best of Doc qui rédige l’avis de ce film et qui, lucide, écrit : « L’Affaire collective choque et indigne, mais aussi fait sourire et pleurer, tout en nous faisant nous questionner sur la politique actuelle ».

Bons films !