Il est probable que dans deux semaines nous fassions à nouveau la confusion, mais écrivons-le ici noir sur blanc : les manchots vivent en Antarctique et sont incapables de voler, tandis que les pingouins incluent plusieurs espèces d’oiseaux plus petits vivant dans l’hémisphère Nord. Les manchots marchent debout, glissent sur le ventre et se déplacent dans l’eau en marsouinant (ce qui est un verbe bien joli). C’est dit.
Formidables personnages de cinéma, vous retrouverez les manchots empereurs dans Aptenodytes Forsteri de Mario Marret. Autant vous dire que si vous êtes un tant soit peu sensibles aux petits animaux mignons – oui, des bébés manchots tout de duvet couverts –, vous y trouverez votre compte. Arnaud Hée, qui programme ce film, se demande “pourquoi il n’est pas un classique de l’histoire du cinéma, figurant par exemple dans les programmes à destination du jeune public”. Car c’est aussi un film d’une très grande beauté, une “émouvante et drolatique exploration de la vie en société, qui ne concerne évidemment pas seulement les manchots empereurs sur la banquise.”
C’est donc au cinéaste Mario Marret que nous consacrons un Fragment d’une œuvre cette semaine. Un homme qui eut mille vies – de serrurier à psychanalyste, en passant par cinéaste ou agent des services secrets américains. De ses séjours en Antarctique avec Paul-Émile Victor, il fit plusieurs films, dont Terre Adélie, celui-ci consacré aux humains, qui comme les manchots marchent debout. Le film raconte le quotidien des “hivernants” dans une base scientifique. Un récit, nous dit Arnaud Hée, “pas si lointain de l’évocation d’un voyage spatial”, avec son quotidien, ses épreuves et ses dangers… Dans un tout autre paysage, celui du Pays Dogon, L’Enfant et la pluie est un conte documentaire d’une grande douceur. Qui met en scène un enfant confronté à la perte des traditions due à la colonisation, mais aussi à sa propre fascination pour les transformations dites “modernes” de son pays…
Nous vous invitons fortement à vous laisser emporter par ces trois très beaux courts métrages !
“Le football est un jeu simple ; 22 personnes courent après un ballon pendant 90 minutes, et à la fin, c’est la Fifa qui gagne.”* Ou bien l’émir du Qatar. Ou bien quelques chefs d’entreprise. Le chef d’état français a dit récemment qu’il ne fallait pas politiser le sport – ce qui est évidemment une stupidité. Parce qu’il ne s’agit pas de sport, dans cette histoire de coupe du monde au Qatar. Alors voici un film qui ne parle pas de sport : The Workers Cup. Ou plutôt, un film qui, précisément, montre comment on peut utiliser le sport à des fins politiques, ou communicationnelles. Ça se passe au Qatar, ça met en scène les ouvriers qui travaillent sur les chantiers de la Coupe du Monde. Un championnat des ouvriers y est organisé ; les maillots sont aux couleurs des entreprises et les pdg paradent. Les joueurs, eux, viennent du Ghana, du Népal, d’Inde. Ils logent dans les baraquements qu’on leur a assignés, ne peuvent en sortir librement, et retourneront certainement, une fois la victoire ou la défaite arrivée, à la misère de leur travail. Le film permet cette plongée, rarement vue, dans ce monde d’exploitation et d’asservissement et, c’est important, il donne des prénoms, il donne des visages.
Nous vous conseillons de poursuivre l’expérience footballistique (qui n’est vraiment pas un joli mot) avec Triste comme la pluie dans une cour de collège, un court métrage qui joue pleinement la carte de la politisation du sport. Par un montage sonore cinglant, le film met en parallèle plusieurs événements politiques récents de la société brésilienne : un coup d’état, entre autres… mais aussi cette humiliante défaite 7 à 1 contre l’Allemagne en 2014, au Brésil même…
Enfin, nous vous proposons cette semaine de découvrir un film d’Arnaud Lambert, programmateur pour Tënk et réalisateur de son métier. Forêts de Philippe Artières est une rencontre avec Philippe Artières, historien, “dans sa maison perdue dans la forêt”. Le cinéaste aime les personnes qui parlent et qui cherchent leurs mots. Alors le film est aussi une rencontre avec les mots de l’auteur, ses livres et les personnes qui les peuplent. Et une manière de tenter de définir son travail. Fabien David, qui programme le film, écrit :“Arnaud Lambert suscite la parole de Philippe Artières, l’incite à recomposer le cheminement qui fut le sien, et à risquer cette définition si humble et si belle de son métier d’historien : c’est faire apparaître des visages.“
Bons films !
*Gary Lineker : “Le football est un jeu simple. 22 hommes courent après un ballon pendant 90 minutes, et à la fin, les Allemands gagnent toujours.”