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•• Cette semaine sur Tënk – Break danses

15 décembre 2023

« Bannissons les tristes alarmes ! / Nos vainqueurs nous rendent la paix. / Partageons leurs plaisirs, ne craignons plus leurs armes ! / Sur nos tranquilles bords qu’Amour seul à jamais / Fasse briller ses feux, vienne lancer ses traits ! »

Ainsi chantent les Sauvages (quelque part en Amérique du Nord) après s’être « réconciliés » avec leurs colonisateurs espagnols et français. C’est dans Les Indes galantes de Jean-Philippe Rameau. Un opéra-ballet qui fut mis en scène à l’Opéra Bastille en 2019 par Clément Cogitore et la chorégraphe Bintou Dembele. Sur scène : des danseurs de krump, de flexing, de break, de voguing, toutes danses « urbaines » mobilisées pour se réapproprier une œuvre nourrie de stéréotypes, et notamment celui du « bon sauvage », habitant d’« Indes » pittoresques. Cette alliance puissante entre l’œuvre classique et la danse urbaine, déjà rendue dans le court métrage Les Indes galantes, de Cogitore (en location), est ici racontée dans un long métrage qui suit la création de la pièce en 2019. C’est dans Indes galantes, de Philippe Béziat.

Notre Escale de la semaine, Break danses, a été construite avec le concours de l’équipe du Festival Karavel et du chorégraphe Mourad Merzouki, dont le travail s’attelle depuis toujours à créer des ponts entre la danse hip-hop et les autres disciplines du spectacle vivant – et notamment entre la rue et la scène. Et c’est aussi ce lien que nous explorons aujourd’hui avec les six films que nous vous proposons.

Spectacle vivant, la boxe ? C’est en tout cas le pari que fait le chorégraphe dans le film La Danse aux poings de Mourad Merzouki. Porter la boxe – sport qu’il pratiquait avant de découvrir le hip-hop – sur la scène (ou bien faire de la scène un ring ?) telle était l’ambition du spectacle Boxe Boxe monté en 2010 et dont le film raconte le processus de création qui implique notamment le Quatuor Debussy à la composition musicale.

De combat il est également question dans On n’est pas des marques de vélo, de Jean-Pierre Thorn. Celui, dans les années 1980-90, de Bouda, danseur de hip-hop au destin brisé, confronté à la « double peine » : arrêté, emprisonné, expulsé en Tunisie et contraint de vivre en France dans la clandestinité. Et à travers son histoire c’est aussi toute l’époque d’émergence du hip-hop en France qui est racontée, faisant intervenir ses figures majeures. Un film de danse, un film historique, un film militant. Et pourquoi n’est-on pas des marques de vélo ? Nous vous laissons le découvrir.

Dans Bring Down the Walls, le réalisateur Phil Collins nous convie à de la danse et de la parole. Bring Down the Walls, c’est non seulement un film mais aussi un événement organisé par le réalisateur et des centaines d’activistes à New York en 2018 : une agora consacrée à l’industrie carcérale étatsunienne et tout ce qu’elle porte de discriminations. Au micro, les intervenants se succèdent – militants, anciens détenus – pour témoigner de la réalité des murs. Et puis on danse. Cette même population, majoritairement noire, exagérément représentée dans les prisons du pays, a inventé la house music, dans les années 80. « Le club est le lieu de libération des corps, en prison tout est déterminé par des cloisons » dit le réalisateur. Et Charlène Dinhut, programmatrice, d’écrire : « Et Phil Collins [réussit] son magnifique pari : filmant brillamment la danse, celle-ci ménage des moments, nécessaires pour la lutte, de révélation pure, génératrice de puissance et d’union, incarnation totale de la libération individuelle et collective, politique, des corps et des esprits ».

Finissons avec deux courts métrages qui dansent.

D’abord, du côté de Saint-Louis du Sénégal, dans Les Gestes de Saint-Louis. Une « infiltration chorégraphique de la ville à 2 danseurs et 2 caméras ». Ici les gestes de la vie quotidienne – dans les ruelles, sur les marchés, par-dessus les ponts – nourrissent les mouvements des danseurs. Et vice versa : la danse s’invite au cœur de la ville – qui ne s’y attend pas.

Et Raymond Barre dans tout ça ? Et Denis Trouxe, son adjoint à la culture dans les années 90 à la mairie de Lyon ? Il fallait bien un film pour en parler : Rythmasspoetry, de Cecilia Bengolea et Jeremy Deller. Deux artistes qui font slammer un publicitaire-responsable-de-la-culture-adjoint-au-maire à la retraite dans sa maison de la banlieue chic de la région lyonnaise pendant que dansent Domy Caramel, Latys Shye et Sarah, trois danseuses originaires de Vaulx-en-Velin… Drôle de contraste et de confrontation… Et drôle de vidéoclip, dérangeant, jouant de l’ironie au neuvième degré, et de la caricature aussi, au bord de la piscine.

Retrouvez la page de l’Escale ici !

Bons films !