“Clean time, 2 jours… Clean time 3 jours” égrène Marc. Puis il dira plus tard “Clean time, 154”. Puis… ainsi de suite. Dans Clean Time, Didier Nion, le réalisateur, suit son ami Marc dans son chemin de libération des “molécules pouvant modifier le comportement”. Il en a utilisé pas mal dans sa vie, dont il fait d’ailleurs la liste en s’adressant à la caméra. Le film, principalement constitué de sa parole, est un magnifique témoignage, tout autant qu’une histoire d’amitié, nécessaire à ce que tous ces mots nous parviennent. De la bruyante rue de Rivoli au pont d’un bateau sur l’Atlantique, Didier Nion accompagne son ami, personnage “complexe, attachant et irritant, dandy à la fois cynique et romantique, belle gueule, beau parleur jamais avare en formules qui font mouche”, pour reprendre les mots d’Arnaud Hée, qui a choisi de montrer ce film. Derrière l’humour et les mots brillants, c’est bel et bien une grande épreuve que le film raconte : celle qui consiste à retrouver la réalité et à s’en accommoder. Clean Time est un film marquant, quelques 26 minutes qui restent en mémoire longtemps.
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Enchaînons avec Papaye. De la noise plein les tympans. Nous vous invitons à partir en tournée dans les pas de ce groupe à travers toute l’Europe, avec la caméra de Vincent Pouplard (dont vous pouvez trouver sur Tënk le film Pas comme des loups en location). Hurry and Wait est non seulement la chronique d’une tournée mais aussi et surtout un regard sur une façon de faire. Comme le formule Sylvain Bich, programmateur : “Tout est fait ici à la mano, avec ardeur et engagement. Le film interroge de manière pertinente la réappropriation des moyens de création, de sa production et de sa diffusion.” Une nécessité pour beaucoup d’artistes, une sorte “d’écologie du travail” entre choix et contrainte, un “do it yourself” dont le réalisateur rend compte avec énergie et pellicule noir & blanc 16mm.
Qu’en est-il du “do it yourself” lorsqu’il s’agit d’aller dans l’espace ? Zétwal esquisse une réponse. C’est l’histoire d’un homme en Martinique, Robert Saint-Rose, qui s’était fixé le but d’être le premier Martiniquais dans l’espace. Le carburant de sa fusée ? La poésie d’Aimé Césaire. Tout simplement. Et une immense croyance en la puissance du langage. “On ne dévoilera pas ici l’aboutissement de ce projet sublime, écrit Charlène Dinhut ; on dira juste que nous sommes entièrement du côté de cette foi.”
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Direction la Sicile avec Il Mio Corpo. On ne vise pas la lune, dans ce film. On cherche simplement à trouver une vie meilleure sous le soleil. Sélectionné notamment à l’ACID Cannes en 2020 puis sorti en salle en 2021, le film raconte les destins parallèles de deux jeunes hommes, Oscar et Stanley, qui ne se connaissent pas. L’un sicilien, l’autre nigérian. La lumière est forte, les images sublimes, et les paysages désolés et stériles. Peu de mots, dans ce récit de regards, de silences et d’atmosphères, mais une tension constante entre des vies désolées, difficiles, et un immense désir de liberté – danser, enfourcher son vélo, pour oublier la ferraille qu’on collecte, pour oublier les petits boulots… pour utiliser son corps enfin libéré de toute contrainte ! À voir !
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Vous trouverez ci-dessous les deux autres films de notre programmation de la semaine : Ahlan wa Sahlan, de Lucas Vernier, qui fait un voyage dans le temps, dans une Syrie remplie d’un passé familial. Et Play Me I’m Yours, de Julia Palmieri Mattison, un collage d’histoires de famille, d’amour et d’amitiés.
Bons films !