C’est assez bien, d’être fou. Ça fait partir en camion pourri vers Vladivostok. Ça fait peindre des poules sur des granges, des poissons sur des murets, des humains sur la tôle rouillée de navires échoués. Ça fait sortir de chez soi, traverser le monde et en rapporter des films remplis d’une énergie folle. C’est assez bien d’être fou, d’Antoine Page, est un film généreux, drôle, rude, et ample comme le voyage dans lequel il nous emmène. De Mesnay (dans le 3-9) à Vladivostok (11 803km – “cet itinéraire comprend des péages”) Antoine Page et Zoo Project, street artiste génial, nous invitent dans des cars kazakhs, des trains russes, des garages ukrainiens. Un voyage jalonné de créations in situ et de rencontres : Zoo Project – et le film – croque les personnes et les lieux qu’il croise avec attention et tendresse, regard toujours curieux. Et recouvre de poésie murs et palissades – de toutes petites parties du monde – et puis, finalement, le monde entier. À ne pas rater !
●●Sur notre plage Festivals, cette semaine, retrouvez 3 films passés l’an dernier par Dok Leipzig, plus ancien festival de documentaire d’Europe, et partenaire de Tënk.
Mon cousin anglais, tout d’abord, en compétition internationale l’an dernier, qui trace le portrait doux-amer de Fahed, installé en Angleterre, et qui malgré sa récente régularisation, se pose la question de son retour en Algérie… Beaucoup de tendresse dans ce film pourtant cruel qui montre la difficulté de vivre déchiré entre deux rives…
In the Name of Scheherazade est un drôle d’objet, entre conte (des mille et une nuits), pastiche et documentaire. Des mises en scène baroques, des performances artistiques, de l’absurde, et la question de la création, au centre : comment créer sans se compromettre ?
Enfin, dans Safety123, les réalisateurs parcourent les Alpes le regard ouvert sur les amples paysages naturels… pas si naturels. Car ils sont souvent soumis à la volonté de maîtrise de l’Homme, cherchant à tout prix à limiter les risques – d’avalanches, d’éboulements, d’écroulements. Recherche évidemment vaine, malgré les technologies de pointe et les chantiers impressionnants. Quand la glace prise dans les roches viendra à fondre, on aura beau faire : ça s’écroulera.
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Retrouvez également cette semaine Sonnensystem, du réalisateur allemand Thomas Heise. Une exploration de la vie de la communauté Kolla de Tinkunaku en Argentine, dans laquelle le réalisateur assume son statut d’étranger, cherchant à observer avec distance et modestie ce que c’est que de vivre dans cette nature-là…
Et enfin, Dans leurs rêves, accompagné en production par Tënk, qui fait le portrait d’un foyer de jeunes travailleurs en Seine Saint-Denis. Un film qui choisit, lui, d’être résolument du côté de la parole !
Bons films !