Passer la ligne blanche
Pour aborder en toute connaissance de cause la très proche rentrée scolaire, nous vous conseillons vivement de faire un tour sur notre plage Grands Entretiens, avec Ivan Illich : “L’école inévitablement introjecte le capitalisme. (…) Dans le monde entier l’école a été établie comme l’organe reproductif de la société. (…) L’école enseigne à l’enfant qu’il a besoin de l’institution pour apprendre, elle lui enseigne de se sentir classé par un bureaucrate, elle lui enseigne que l’enseignement que la société respectera est le produit d’une institution, établi par cette institution et par des experts qui savent comment produire cette marchandise.”
Ivan Illich se livre à une critique radicale de la société, remet en question — déjà — l’idée de croissance illimitée, et c’est enthousiasmant, et c’est aussi de la poésie. Il faut voir son visage et ses yeux, le plaisir de la pensée qui se déroule, la concentration dans laquelle il cherche les meilleurs mots pour dire le mieux possible, dans une langue qui n’est pas entièrement la sienne, et les moments d’assurance et les moments de doute. Et cette réplique, touchante, lorsqu’on lui demande quels sont ses projets : “je sais pas“…
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Pour vous rassurer : il y a pire que les classes d’école. Il y a les geôles de l’armée américaine, par exemple. Là, passer la ligne blanche sans autorisation mérite coups de trique et cachot. Dans The Brig, prix du meilleur documentaire au festival de Venise en 1964, Jonas Mekas filme en cinéma direct une pièce de théâtre, en se plaçant lui-même sur scène, au cœur de l’action. Et donc au cœur des brimades répétées, institutionnalisées, destinées à une seule chose : effacer l’humain par l’humiliation, la disparition de tout espace individuel, et l’arbitraire absolu des règles toujours changeantes, au bon vouloir de ceux qui détiennent le pouvoir. Lorsque la loi est absurde, elle n’a qu’une solution pour se faire respecter : son bras armé.
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Partons loin, vers l’Orient, avec Ella Maillart – Double Journey. Un film constitué des archives de la grande voyageuse et écrivaine. Ses images et ses textes (lus par Irène Jacob) nous racontent son voyage entrepris en 1939 (qui ne fut pas la meilleure année pour l’Europe et le monde) en compagnie d’Annemarie Schwarzenbach. On y découvre un Orient perdu et le chemin d’une femme libre — de celles qui ont un jour osé passer la ligne blanche, assumant “l’impossibilité de vivre de compromis ou de remplir le destin tracé par [son] sexe”.
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Dans le reste de notre programmation cette semaine, découvrez Pourvu qu’on m’aime sur notre plage 7e séance, autre chemin initiatique, celui d’Enea, jeune homme autiste en quête d’amour charnel et spirituel, en route vers sa “première fois”…
Et sur la plage Première Bobines, trois films issus de la HFF München – Université de télévision et de cinéma de Munich !
Bons films !