Le collectif Les Insoumuses, mené par Delphine Seyrig, répondait en 1975 à une émission d’Antenne 2 intitulée “Encore un jour et l’année de la femme, ouf ! C’est fini”. Un documentaire à voir gratuitement sur Tënk pendant une semaine, grâce à un partenariat France Inter.
Le documentaire est réalisé en 1975 par les Insoumuses : un collectif formé autour de la comédienne Delphine Seyrig, avec Carole Roussopoulos, Ioana Wieder et Nadja Ringart. Ce film, que Tënk propose grâce au centre audiovisuel Simone de Beauvoir, est complètement inclassable. Cliquez ici pour le voir. C’est un objet filmé non identifié, et un pamphlet féministe hilarant. Tout est parti d’une émission de télévision : Françoise Giroud, secrétaire d’état à la condition féminine, était l’invitée de Bernard Pivot sur Antenne 2, pour une émission spéciale consacrée à “l’année de la femme”. Et ce fut un festival de misogynie décontractée. Alors les Insoumuses ont décidé de pirater l’émission. Par exemple, quand Pivot fait écouter à Giroud une chanson célèbre, “Mon homme” : Ce n’est pas qu’il soit beau, qu’il soit riche ni costaud, mais je l’aime, c’est idiot. Il m’fout des coups, il m’prend mes sous, je suis à bout, mais malgré tout, que voulez-vous ?
La ministre s’exclame :
C’est une chanson d’amour…
Vous l’avez compris : la “maso” du titre, c’est Françoise Giroud, qui a accepté de participer à cette émission. Pour ne surtout pas avoir l’air d’une féministe rabat-joie, la ministre joue le jeu, elle rigole… et les Insoumuses s’étouffent. Delphine Seyrig et ses camarades s’en donnent à cœur joie au montage : elles font des arrêts sur image, repassent en boucle certains passages, ajoutent des remarques acerbes. Finalement, c’est à peu près ce que fait Quotidien aujourd’hui, l’émission de Yann Barthès : il y a là le même esprit insolent, un demi-siècle avant. Parmi les commentaires écrits glissés entre deux images, on trouve par exemple ce QCM :
Françoise Giroud est-elle :
Françoise Giroud a-t-elle bien fait de réagir ainsi, dans un grand sourire ? Et Bernard Pivot, ne peut-on pas considérer qu’il se moque des “fieffés miso”, comme il dit, qui se succèdent dans cette émission, qu’il les tourne en ridicule ? Les Insoumuses – c’est assez clair – ne le pensent pas. Je vous laisse vous forger votre opinion. Et tant mieux si cela crée du débat chez vous ! Certains de ces misogynes assumés, en tout cas, sont bien gratinés.
Il y a dans ce film une irrévérence et un humour décapants. Le tout au service d’un message politique radical, surtout pour l’époque. Transformer sa colère en rire, c’est très efficace pour faire passer un message.
Par Dorothée Barba