LES MASTERCLASSES par Mathilde Wagman
Claire Simon : “L’écoute est ce qui est le plus important”
Claire Simon fait sa masterclasse, en public du théâtre de l’Alliance française. Elle revient sur ses premières expériences, le montage qui a été pour elle “une grande école de cinéma”, sa conception du documentaire, la place de l’écoute et du silence dans son travail.
Quand j’étais petite, je voulais être tragédienne et détective. Je vivais à la campagne. La campagne et le théâtre, ça a donné le cinéma.
Depuis un peu plus de trente ans, Claire Simon construit une œuvre de cinéma dont l’une des particularités est qu’elle se situe aussi bien du côté du cinéma dit documentaire que du cinéma que l’on appelle de fiction, partition que ses films ne cessent de mettre en question. Nous sommes beaucoup à avoir découvert son cinéma avec Récréations, sorti en salles en 1998, film pour lequel elle a tourné pendant un an dans la cour de récréation d’une école maternelle et qui nous montrait l’intensité des drames qui se nouent dans les jeux des enfants entre eux.
Son tout dernier film, Premières solitudes, sorti l’an dernier, y faisait écho : lui aussi tourné en partie dans une cour d’école, cette fois-ci d’un lycée, avec des adolescents élèves de première à Ivry-sur-Seine. Parmi ses documentaires récents, il y a aussi Le bois dont les rêves sont faits, en 2015, un portrait de ce lieu qu’est le Bois de Vincennes et qui constitue, pour ceux qui le fréquentent, une sorte de paradis perdu ; pour Le concours, en 2016, Claire Simon a filmé le processus assez impitoyable du concours d’entrée à la Fémis, l’école de cinéma qu’elle connaît bien puisqu’elle y a été pendant une dizaine d’années en charge du département réalisation.
Après Sinon oui en 1997 et Ca brûle en 2006, ses deux premiers longs métrages de fiction, c’est aussi grâce à l’entremise de la fiction qu’elle nous a fait pénétrer dans l’intimité des bureaux d’un planning familial avec Les bureaux de Dieu, en 2008. Les conseillères du planning, on s’en souvient, étaient incarnées par Nathalie Baye, Nicolas Garcia, Isabelle Carré ou Rachida Brakni, entre autres.
En 2013 elle a signé un double portrait de ce lieu qu’est la gare du Nord à Paris : il y avait eu côté pile le film de fiction, qui s’appelait Gare du Nord, avec Nicole Garcia, Réda Kateb et François Damiens ; et côté face un documentaire, Géographie humaine, un parcours dans la gare à la rencontre de ceux qui y passent, qui la traversent ou qui y vivent, parfois.
Après les années post-68 créatrices, politiques, les années 80 ont été des années pendant lesquelles le cinéma se regardait dans la glace. J’ai eu un choc en voyant le premier film de Depardon. Il a ouvert un chemin pour inventer de nouvelles formes.
Je fais en documentaire ce que d’autres font en fiction. Il faut réussir à inventer de nouvelles formes.
L’écoute est ce qu’il y a de plus important.
Elle explique son travail pour Les Bureaux de Dieu :
J’ai passé une semaine au Planning familial et j’ai été bouleversée. Mais le principe des planning est l’anonymat donc je ne savais pas comment faire. J’étais intéressée par ce qu’il y a de plus banal. Une jeune femme qui oublie sa pilule, et tout ce que ça charrie sur la société.
J’ai l’impression que partir d’un lieu c’est une manière de commencer une histoire. Je pars d’un lieu, par exemple la gare du Nord, une cour de récréation et je vais chercher l’histoire là. Le lieu contient en lui-même des histoires.
Enfin tout récemment elle a réalisé un objet filmique d’un format nouveau pour elle puisqu’il s’agit d’une série qui va être diffusée très prochainement, à partir du 13 septembre sur Ciné+. Cette série s’intitule “Le village”, compte pour l’instant deux saisons, et vous pouvez en voir quelques épisodes sur Tënk. Le village en question c’est Lussas, dans l’Ardèche, petite commune dans laquelle elle a filmé et mis en parallèle le travail de deux communautés : d’une part celle qui autour de Jean-Marie Barbe le fondateur du festival les États généraux du film documentaire, œuvre pour la diffusion, la production, la défense du cinéma documentaire de création ; et d’autre part celle des agriculteurs de cette petite commune rurale.
La caméra, c’est un rapport physique avec les acteurs, avec les personnes que je filme. En tant que femme, c’est le seul moyen que j’ai trouvé pour avoir le pouvoir. C’est moi qui tient la caméra, c’est moi qui appuie sur le bouton.
INTERVENANTS
Claire Simon
Cinéaste