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NOTRE ENDROIT SILENCIEUX D’ELITZA GUEORGUIEVA

21 avril 2021

Tënk a accueilli Elitza à plusieurs reprises pour son film Notre endroit silencieux au sein de l’Imaginaïre, à Lussas. La première résidence était concentrée sur le montage du film lors de l’été 2020, puis une deuxième pour le montage son et l’étalonnage en février 2021. Son film a été soutenu par Tënk dans le cadre du partenariat avec le CNAP (Centre National des Arts Plastiques).

 

 

Synopsis

 

NOTRE ENDROIT SILENCIEUX

Elitza Gueorguieva

68 minutes, Français et russe, 2021

Le père d’Aliona, dissident silencieux, ingénieur à Tchernobyl, a mystérieusement disparu un jour dans la mer. 20 ans plus tard, Aliona quitte son pays, la Biélorussie, pour écrire un roman sur cette histoire, dans une autre langue que la sienne.

 

FICHE TECHNIQUE

Écriture et réalisation : Elitza Gueorguieva

Image : Thomas Favel et Elitza Gueorguieva

Montage : Mélanie Braux

Montage son et mixage : Arno Ledoux

Etalonnage : Damien Pelletier Brun

Musique originale : Arno Ledoux

Production : Les Films du Bilboquet – AGITPROP – Tënk – Pictanov

 

 

Rencontre avec Elitza Gueorguieva

 

Tënk : Peux-tu nous présenter ton film ?

Elitza Gueorguieva : Notre endroit silencieux est un film qui questionne l’écriture en langue étrangère et le travail sur la mémoire, à partir de l’itinéraire d’Aliona qui a mystérieusement perdu son père lorsqu’elle était petite. Le corps de cet homme n’a jamais été retrouvé et Aliona a toujours cherché une fin à cette histoire. Quand elle a commencé à écrire dessus en français, elle ne connaissait que quelques centaines de mots. 

Écrire sur cette histoire trouée dans une langue qui elle-même est pleine de zones inconnues faisait plus de sens pour elle, car en faisant cela elle se met dans une situation marginale, un peu comme son père dissident, disparu dans un pays étranger. Le film se construit en prenant en compte cette dimension fragmentaire et d’errance, à la fois géographique et poétique, en brouillant les limites entre le réel et l’imaginaire, entre le documentaire et la fiction. Bien évidemment la trajectoire d’Aliona me renvoie à ma propre condition d’écrivaine étrangère, venant d’Europe de l’Est. 

 

Tënk : Peux-tu nous raconter la naissance de ton film ? 

Elitza Gueorguieva : La vraie histoire c’est qu’on faisait nos études ensemble avec Aliona. On était les deux seules étrangères dans notre groupe d’écriture du master de création littéraire, et on avait deux ans pour écrire un roman chacune. On écrivait toutes les deux sur notre enfance, mais dans des styles différents. J’aimais énormément son texte, et je suis partie sur un coup de tête à Minsk pour faire des repérages fin 2014. Ce qui m’intéresse c’est comment l’imaginaire se reflète dans la construction de la mémoire. Les repérages ont été très enthousiasmants, et comme souvent dans le documentaire, c’est ce qui structure une grande partie du film. Ensuite j’ai beaucoup écrit, réécrit pour obtenir différentes subventions. Ça a bien marché mais ça a été un long processus. 

Le film traverse plusieurs lieux : on débute dans le sud de la France où vivait Aliona, mais aussi en Biélorusse à travers ses souvenirs, en Espagne où se trouve sa sœur, en Turquie où a disparu son père, en Normandie, où elle fait une résidence d’écriture… Ce qui est intéressant, c’est que j’ai pu retourner dans ces endroits avec une équipe, et petit à petit il y a eu un dispositif de fiction et de mise en scène très assumé qui a pris le dessus. Finalement, dire que c’est un film sur la mémoire ne serait pas tout à fait juste, c’est beaucoup plus un film sur la fabrication de l’intime qui ne réside pas uniquement dans la vie matérielle réelle. 

 

Tënk : Comment es-tu arrivée ici pour ce travail de montage et de post-production ?

Elitza Gueorguieva : On a eu le soutien de plusieurs institutions y compris du CNAP et c’est par ce biais qu’on a eu le soutien de Tënk et l’opportunité de venir ici. La première fois que je suis arrivée ici c’était en 2008, en tant que bénévole bar à Lussas pour les États Généraux du film documentaire. Il faut commencer au bon endroit ! Ça m’a tellement plu que j’ai fait du bénévolat pendant des années après ça. Pour moi c’est important de finir ce film ici parce que ça fait vraiment des boucles dans ma vie. J’étais vraiment émue lorsque mon premier film a été montré à Lussas en 2017 ! 

 

Tënk : Et sur l’expérience de travail ici, à Lussas, comment tu l’as ressentie ?

Elitza Gueorguieva : C’était une super expérience parce que ça permet d’être tout le temps concentré sur son film. On est logé au même endroit, donc ça permet de rester dans une bulle. Le cadre est super, et partir de Paris en ce moment c’est un vrai cadeau. J’adore ces moments où tu es en fin de processus, et que tu commences même à rêver que tu demandes à Arno, le monteur son, de mettre tel effet derrière tel mot. 

La première fois que je suis venue ici, j’étais encore étudiante et j’ai énormément appris. Les festivals comme les États Généraux du film documentaire sont une école en soi. On se nourrit de plusieurs écritures, ça m’a énormément stimulée pour la création.

 

Tënk : En tant que spectatrice des Etats généraux, tu as peut-être vu naître Tënk?

Elitza Gueorguieva : J’adore Tënk, j’y suis abonnée, et on a programmé mon premier film Chaque mur est une porte . C’est génial que ça existe ! C’est important qu’on puisse diffuser les films en dehors des festivals, car tout le monde n’est pas au courant que Lussas existe. Petit à petit, Lussas a réussi à imposer une communauté qui grandit et qui devient de plus en plus solide, mais pas dans un sens commercial. Je trouve que c’est bien d’être marginal, ça a toujours été ma place, et j’ai choisi d’être dans ce type de cinéma. Mais c’est aussi important de pouvoir communiquer avec le monde, et une plateforme ça ouvre forcément cette possibilité. 

D’ailleurs, quand je suis en recherche d’idées, ça m’arrive de retourner sur Tënk, de voir ce qui a été programmé. Si je ne regardais pas de films, ce serait compliqué d’en faire. La diffusion est liée à la création quand on est artiste. 

 

Tënk : Quelles sont les prochaines étapes pour ton film ?

Elitza Gueorguieva : Le film est sélectionné à Visions du Réel. C’est allé assez vite, je m’y attendais pas du tout ! Quand le film commençait à être prêt, on l’a montré à quelques personnes qui ont fait des retours positifs, donc on s’est dit qu’on avait trouvé le film. Avoir une sélection dans un festival comme celui-là c’est très encourageant, on se dit que ce qu’on fait parle à d’autres.

 


 

Notre endroit silencieux est sélectionné dans la compétition Burning Lights au Festival International de cinéma, Nyon – Visions du Réel 2021

Retrouvez également ici un Q&A avec Elitza lors du festival Visions du Réel 2021.