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À propos de documentaires – Éliane De Latour

24 septembre 2015

Chaque mois, Tënk diffuse un entretien avec un professionnel du documentaire d’auteur. Le premier donnait la parole à Jacques Deschamps : retrouvez-le sur le blog ou sur notre chaîne Youtube où sont rassemblés tous les autres entretiens. Merci aux jeunes auteurs issus de l’École documentaire de Lussas qui, durant les Etats Généraux du Film Documentaire 2015, ont filmé des réalisatrices et réalisateurs, de passage pour présenter leurs films.

 

Nous vous proposons cette semaine un entretien d’Éliane De Latour au sujet de son dernier film Little Go Girls. Éliane De Latour est cinéaste anthropologue. Dans Little Go Girls, la réalisatrice explore l’univers des Go du ghetto de Bel-Air à Abidjan, jeunes prostituées en dehors des circuits « professionnels ».

 

Entretien réalisé par Damien Pelletier-Brun et Arielle Estrada

 

Ce long métrage documentaire est le produit d’un long processus. Les films d’Éliane De Latour partent toujours d’une enquête anthropologique, avant de décider s’ils seront documentaires ou fictions. D’abord il y a, entre 2009 et 2010, une rencontre dans le ghetto d’Abidjan grâce à la photographie. Ces photos deviennent une exposition à la Maison des Métallos en 2011, puis en 2014 : Go de nuit, Les belles Retrouvées, et un livre, Go de nuit, les jeunes Invisibles. Nous y découvrons déjà les visages et les regards de très jeunes filles vivant dans des conditions d’une extrême dureté, mais vibrant d’une intériorité fragile et avides de liberté. Puis, suite au retour inattendu d’Éliane De Latour pour l’élaboration du projet de la Casa, un appartement loué par la cinéaste à Abidjan en vue d’aider les jeunes femmes à sortir de la prostitution, Little Go Girls voit le jour en 2015.

Le film mélange trois temporalités, reprenant chronologiquement le travail de l’anthropologue : les photos où le film prend ses racines ; les espaces personnels des Go, filmés en plans très longs, dans une temporalité comme suspendue et qui donne la vision d’une intimité silencieuse ; la Casa, sorte de retour à la réalité qui présente ce lieu de vie avec ses rythmes, ses crises et aussi un événement inattendu qui redonne toute leur complexité d’être humain à ces femmes.

Si le film est sans dialogue, dans un demi-silence, Éliane De Latour, avec son petit appareil, filme les échanges entre la lumière, les regards, les gestes et les corps de ces femmes. L’absence de parole donne toute son importance au son, qui résulte d’un gros travail de post-synchronisation et de montage, et semble chercher une vérité intérieure.

Ici pas de récit construit autour d’un personnage. Éliane De Latour nous offre plutôt un aperçu de leur condition, une rencontre avec des filles qui vivent dans les interstices d’une ville, parias à la recherche d’indépendance, prêtes à la prendre là où elle se trouve. Elle nous dévoile le contraste qui existe entre la violence de leur situation, leur propre violence et une fragilité émouvante, sortant des préjugés et évitant la victimisation.

La sortie en salle de Little Go Girls est prévue le 6 janvier 2016 : nous vous tiendrons informés.

Lena Quelvennec