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Bande annonce Mois du Doc #1 – REFLEX

31 juillet 2015

Le Mois du Film Documentaire organisé par Images en Bibliothèques commence dans trois mois. C’est à nos yeux un rendez-vous majeur. Il donne la possibilité aux bibliothèques, aux salles de cinéma et aux associations, dans toute la France, d’organiser des projections, de débattre et de réfléchir sur le genre.
Les habitués de la manifestation auront remarqué depuis deux ans, que les projections sont précédées de courts gestes documentaires [1], des bandes annonces réalisées par le master documentaire de création option réalisation de Stendhal/Lussas.

Pour cette année encore, le master est de la partie. Alors en attendant de découvrir les nouvelles « pépites » réalisées par la 15ème promotion, régulièrement nous diffuserons une bande annonce des deux éditions précédentes. Aujourd’hui, REFLEX d’Artem Iurchenko (2014).

REFLEX de Artem Iurchenko (2014)

 

Gestes documentaires, vous avez dit gestes documentaires ?

Dans la démarche documentaire, il coexiste deux approches pour filmer la réalité, celle du genre et celle du geste. Une distinction qui nous intéresse fortement. L’une documente, l’autre travaille l’imagination. Elles ont pour autant un point commun, celui de filmer le réel. Dans un très bon article pour Documentaire sur grand écran, Patrick LEBOUTTE (auteur, essayiste et enseignant) revient sur cette distinction.

Partir, au plus loin comme au plus proche, enregistrer d’autres gestes, d’autres corps, d’autres décors, d’autres savoirs, puis revenir ensuite pour transmettre cette connaissance du monde à ceux qui ne sont pas partis et qu’on appelle des spectateurs, ce mouvement définit bien la mission traditionnellement assignée aux images documentaires : rendre compte de la réalité à partir de la réalité même. Pour ma part, j’attends davantage du cinéma : qu’il ne se contente pas de filmer le monde, mais qu’il fasse voir au-delà ; qu’il ne l’entérine pas, qu’il ne le reflète pas, mais qu’il l’interroge, l’interprète et le construise, m’offrant de me situer personnellement face à lui. La vérité documentaire tient dans ce geste-là, elle est la vérité du cinéma : art de faire apparaître ce que nul encore n’avait perçu, expression de la relation particulière qui lie un cinéaste au monde, non pas le monde tel qu’il est, mais tel qu’il est toujours à constituer, au départ de soi, comme on le voit, comme on se voit. En ce sens, le cinéma documentaire est un usage du monde, l’exercice d’un regard devenu geste, et les films qui en résultent sont dès lors ceux qui nous regardent.

Au fond, il conviendrait de distinguer entre le genre et le geste documentaires. Genre documentaire : toute suite d’images dont les éléments préexistent au projet, existent en soi, dans le monde, constituant un déjà là indépendant du film à faire. Geste documentaire : opération menée sur le monde et l’image qui l’exprime, où le sujet filmant oublie ce qu’il savait au préalable du sujet filmé, au profit d’une nouvelle relation née de l’acte cinématographique lui-même, dans le présent du tournage et du montage, dans la disponibilité à leurs aléas ; où le travail du film ainsi conçu, au fur et à mesure qu’il se construit, est précisément ce qui documente tout à la fois le monde, le cinéma, le cinéaste et, au bout du parcours, le spectateur devant un écran. Le geste documentaire serait alors cet art socratique qui permet à chacun de se connaître soi-même.