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Africultures – “Le grand pari de Tënk”

4 décembre 2018

L’inauguration officielle de l’Imaginaïre, bâtiment abritant le village documentaire de Lussas (Ardêche), le 1er décembre 2018 était l’occasion d’une réunion des programmateurs de Tënk, la plateforme VOD de documentaire de création lancée il y a deux ans (www.tenk.fr).

La préfète de l’Ardèche était absente, devant gérer les manifestations des gilets jaunes dans le département, mais ceux-ci étaient bien là. Ils ont marqué leur présence (slogan : « vos apéros sont nos impôts ») mais n’ont pas empêché les officiels (député, conseillère régionale, président du département, président de la communauté de communes, maire – cf. photo) de prononcer leurs discours en présence d’une forte assistance : voici l’Imaginaïre, bâtiment du village documentaire, inauguré, à la fois lieu d’enseignement et ruche créative. 1500 m2 pour loger un pôle de l’image documentaire regroupant Ardèche Images et la maison du doc, l’école du documentaire, Docmonde et Tënk.

Tënk, Jean-Marie Barbe l’a évoqué lors de son discours introductif. Documentariste originaire de Lussas et à l’origine de la spécialisation de ce village d’un millier d’habitants, avec la création des Etats généraux du documentaire qui s’y tiennent chaque année en août depuis 30 ans, devenus un incontournable rendez-vous. Son émotion a atteint la salle lorsqu’il a évoqué cette aventure collective, mais il a voulu situer cette inauguration dans son avenir : « une rampe de lancement, porteur de défis et de dynamique pour aujourd’hui et les décennies à venir ».

Et de citer la chorégraphe Maguy Marin : « Un merci infini aux vivants et aux morts qui par leurs images et leurs actes ont tracé le chemin rocailleux du courage et de l’insoumission, qui nous ont transmis la force pour donner forme à la rabbia et la vergogne que nous inspire l’injustice du monde ». Et face à aux inégalités sociales, aux rêves écologiques sans lendemain, aux autoritarismes des nationalistes qui préparent la guerre, aux médiocrités médiatiques et à la désespérance accumulée, dire avec Chris Marker : « Notre passion documentaire, c’est d’abord celle de comprendre ! Pour enchanter ! ».

Ainsi, le village documentaire de l’Imaginaïre est-il « Pour la suite du monde », pour reprendre le titre d’un film des Québécois Michel Brault et Pierre Perrault. Tënk n’a pas seulement pour visée de donner à voir les documentaires mais aussi d’en coproduire pour en faciliter le développement. « Nous devrons multiplier nos abonnés par dix si nous ne voulons pas nous enfermer dans un entre-soi et ouvrir ces trésors au plus grand nombre », ajoutait Jean-Marie Barbe. Il va falloir de l’énergie pour réussir ce pari alors que le chiffre – déjà impressionnant – de 6500 abonnés reste stable, mais l’équipe de Tënk en a à revendre. Elle continue d’être présente sur les festivals et à solliciter les médias, à faire jouer le bouche à oreille. On raisonne maintenant moins en nombre d’abonnés qu’en chiffre d’affaires : des abonnements institutionnels avec des médiathèques, des collèges et lycées, des écoles d’art, des universités, etc. viennent compléter le dispositif. Des partenariats sont en cours de signature qui vont renforcer la visibilité et la notoriété du portail.

Une récente augmentation de capital a permis d’envisager sans dépendre de l’augmentation du nombre d’abonnés une politique de pré-achats par apport en industrie (montage, étalonnage, mixage…), qui devrait soutenir une dizaine de films en 2019. Ce fut possible grâce à la notoriété de Tënk qui fait dorénavant partie du paysage audiovisuel de qualité. Une des rares plateformes VOD qui a trouvé son public.

La force de Tënk, c’est le collectif. Cela se sent à la réunion de programmation : des professionnels mais aussi des amis. Le sérieux et la détente à la fois. Plage après plage, chaque binôme présente son programme pour le prochain semestre, argumente sur ses choix éditoriaux. Un ange passe quand Daniel Deshays, le grand ingénieur du son qui programme avec François Waledish la plage « Ecoute », montre à quel point on n’écoute pas le son au cinéma. On discute activement des prochains documentaristes de la plage « Fragments d’une œuvre », des écoles de cinéma non encore sollicitées par la plage « Premières bobines » ou de la valeur de tel ou tel film pour la plage « Docmonde ». Une fois ces choix opérés, l’équipe de Tënk prend le relais pour la recherche des ayants droit, les questions de chronologie des médias, le suivi éditorial (newsletter hebdomadaire et sur le site).

Une information est donnée sur les escales, ces programmations thématiques mensuelles qui s’ajoutent aux plages. A partir de janvier, sont ainsi programmées, souvent en partenariat avec institutions ou festivals : Jazz et cinéma, Migrations, le corps féministe, Nao Future, la représentation du sexe dans le documentaire, animation et documentaire.

A l’heure où Netflix représente 15 % de la bande passante sur internet, Tënk est une nécessité pour rester vivant.

 

Olivier Bartlet – Publié le 4 décembre 2019 – Pour lire l’article en ligne.