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•• Cette semaine sur Tënk – Un fleuve et le toit du monde

21 octobre 2022

« Actuellement, ce qu’on appelle croissance, c’est essentiellement de détruire un espace gorgé de vie et de le remplacer par un parking de supermarché. »

Aurélien Barrau est le roi de la formule qui fait mouche. Et il continue : « Le mot « environnement » est très étrange puisqu’il consiste quand même à ramener tout ce qui n’est pas nous à ce qui est autour de nous. C’est un peu faire de « la nature » (…) une espèce de grand Disneyland pour notre présence. » *

Il rejoint peut-être en cela Philippe Descola, dont nous pouvons suivre les pas et la pensée dans Composer les mondes. « La nature, ça n’existe pas », affirme l’anthropologue, riche de ses nombreuses recherches, notamment en Amazonie auprès des Achuars. Dans le film, il explore ce qui aurait pu devenir un immense parking de supermarché : Notre-Dame-des-Landes.

La force de ce documentaire est d’ancrer les propos du chercheur dans ce territoire particulier, à la rencontre de ceux – humains et non-humains – qui l’habitent. Qui mieux que Descola pour formuler l’argument du film ? « Au départ il s’agissait d’empêcher un grand aménagement d’aéroport, inutile, couteux, destructeur du milieu. Mais, au-delà, qu’est-ce qu’on fait lorsqu’on pense qu’on a une identité profonde avec un certain milieu avec des non-humains ? Comment on se débrouille pour faire vivre cela en faisant un pas de côté par rapport aux contraintes politiques légales et administratives d’un État moderne capitaliste ou libéral ? » ** Un film profond, urgent, qui parle de lutte et de confrontation…


Autre lutte, bien différente, autre confrontation, d’un autre âge peut-être : la conquête de l’Everest. C’est en 1924. Et le plus haut sommet du monde doit être foulé – c’est une question d’honneur national – par des pieds britanniques. L’Épopée de l’Everest est un film exceptionnel par plusieurs aspects. Son défi technique, d’abord : parvenir à filmer des images – sublimes – avec les caméras de l’époque, à des altitudes jamais atteintes. Son témoignage historique, ensuite : un regard qu’on peut qualifier aujourd’hui d’exotique sur les populations locales, « avec un goût pour le folklore et les images choc ». Mais aussi et surtout la documentation d’un moment-clé : celui de la naissance d’une des plus grandes controverses de l’histoire de l’alpinisme : George Mallory et Andrew Irvine, les deux grimpeurs, ne sont jamais revenus de l’expédition, morts sur les pentes sommitales… sans que l’on ait jamais su s’ils étaient en pleine ascension ou bien s’ils avaient atteint la cime convoitée…


Une autre épopée, cette fois-ci sur le fleuve Congo, En route pour le milliard est notre Coup de cœur de la semaine ! L’histoire des membres d’une association de victimes de la guerre des Six Jours de Kisangani qui se battent pour faire reconnaître les préjudices qu’ils ont subis. Six jours, ce fut en effet la durée des affrontements qui eurent lieu en juin 2000 dans cette ville du Nord-Est de la République démocratique du Congo. Six jours qui suffirent à faire de nombreuses victimes, civiles en particulier. Ce sont elles, ces victimes, qui décident de parcourir en bateau les 1734 km qui les séparent de Kinshasa, pour réclamer justice. « Et à Kinshasa, comment se faire entendre dans l’indifférence générale ?, se demande notre programmateur Olivier Barlet. En criant fort ! Là encore, de la rage, du courage, de la ténacité. Et là encore, une caméra portée qui ne les lâche pas, en phase avec leur élan et leur détermination. » Le réalisateur, Dieudo Hamadi (auteur notamment d’Examen d’État et de Maman Colonelle (disponible en location)) signe là un long métrage passionnant et sensible, qui fut le premier film congolais en sélection officielle au festival de Cannes, en 2020 !


Dans le reste de notre programmation, vous trouverez une Première bobine consacrée aux films du Master « Écritures documentaires » de la faculté d’Aix-Marseille. Trois films de fin d’études, trois courts métrages de jeunes cinéastes qui font là leurs premiers gestes : la rencontre avec un (tout petit) monstre (Combat perdant), une autre rencontre – humaine celle-ci – pleine de sensibilité (La nuit je marche) et un retour théâtral sur une mobilisation étudiante (Revivre le printemps).

Enfin, comme promis, un 4e film entre dans le Parcours découverte. Il s’agit du très beau En équilibre, un documentaire d’amour dans le monde du cirque, plein d’acrobaties et d’étreintes !

Bons films !