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•• Cette semaine sur Tënk – Les frères Ross, Kinshasa et le Gabon

19 mai 2023

Las Vegas, Nouvelle-Orléans, Rio Grande, c’est le paysage de la semaine. En matière de cinéma, voilà des noms pleins d’images et d’histoires. Et Turner Ross et son frère Bill Ross IV plongent dans ces lieux chargés de fiction pour y fabriquer leurs documentaires, attentifs à des États-Unis à l’écart de la lumière, des « boulevards du soleil couchant » et d’un mythe américain qui perdure dans nos imaginaires. Nous consacrons cette semaine un Fragment d’une œuvre à ces deux cinéastes uniques.

Un titre comme Western ne trompe pas : il y a bien les stetsons, les ranchs et l’accent Texan qu’il faut. « Si les frères Ross s’emparent ici des clichés du western, c’est pour mieux renverser nos préjugés sur ces personnages et leur milieu » écrit Benjamin Hollis dans son avis. Le maire de la ville parle de métissage, et pas de mur à construire sur la frontière mexicaine. Mais la tension est bien là, presque hollywoodienne : de l’autre côté du Rio Grande, les cartels de la drogue et leur violence menace…

Tchoupitoulas est le nom d’une rue à la Nouvelle-Orléans, qui voudrait peut-être dire « ceux qui vivent près de la rivière ». Et le film est l’histoire d’une nuit : William, 11 ans, et ses deux frères arpentent les rues de la ville jusqu’au petit matin car ils ont raté leur ferry. L’ont-ils vraiment raté ? Certainement pas, c’est un prétexte ! Le tournage a duré neuf mois pour permettre de construire cette nuit faite de multiples rencontres, dense et rythmée. Une nuit festive et enfantine, un peu rêvée, où le cinéma se mêle à la vie…

Bloody Nose, Empty Pockets s’amuse de la même manière avec la mise en scène pour mieux nous entraîner dans un écheveau de relations humaines intenses, qui s’exposent au comptoir du Roaring 20s. Une nuit (encore une), à rencontrer les habitués de ce bar promis à la fermeture, et à connaître leurs passions, leurs effusions, leurs tristesses et leurs avenirs incertains. Tourné en 2016 au moment de l’élection de Trump, le film nous entraîne avec une grande sensibilité dans cette Amérique un peu paumée, dans laquelle quelque chose se délite, et où l’on tient comme on peut en s’aimant du mieux qu’on peut…


Nous allons ensuite faire un tour du côté de Kinshasa.

D’abord, dans Article 15. Qui est une plongée dans la ville à travers les gestes infinis qui la remplissent, ceux du travail, formel ou informel, et des objets, multiples, qui s’échangent d’une personne à l’autre. Le principe du film est unique et virtuose : « sa force est de reproduire le motif d’un de ses sujets – l’échange – dans sa forme même : la caméra, comme les billets, passe de main en main, de lieux en lieux, formulant le grand étourdissement de l’activité incessante » écrit Charlène Dinhut, qui programme le film. Un film de Marie Reinert, réalisé en collaboration avec sept artistes : Chris Shongo, Junior Mvunzi, Magloire Mpaka, Jerry Lelo, Francis Longwa, Olikas Ngongo et Margot Oto.

Ensuite, avec Théâtre urbain, de Nelson Makengo. Quel rapport entre Barbie et Kimpa Vita, héroïne congolaise, figure mythique de la résistance aux colons ? De prime abord, pas grand chose. Mais dans ce court métrage, Barbie se promène et mène une sorte d’enquête sur le passé, par les rues de la ville, rencontrant divers personnages et faisant résonner au présent les mythes d’hier…


Souvenez-vous : il y a quelques semaines nous vous faisions découvrir le destin d’une statuette Fang à travers le 20e siècle dans Fang : une épopée (toujours visible). Aujourd’hui, en suivant Natyvel Pontalier au Gabon dans Sur le fil du Zénith, vous retrouverez ce même fétiche, le byeri. Mais cette fois-ci comme un objet bien ancré dans le passé de la famille de la réalisatrice. Un objet, justement, qui a disparu. Tout comme a disparu, pour elle, une partie de son passé, qui ne lui a pas été transmise. Entre rêves et réalité, chrétienté importée et initiations rituelles, « entre ce que je sais et ce que je vois, entre l’ici-bas et l’au-delà », Natyvel navigue. Vers une plus ample connaissance de son histoire, de ses morts et d’une identité effacée par les cahots de l’histoire coloniale.

Bons films !