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•• Cette semaine sur Tënk – Le festival du court métrage de Clermont-Ferrand

27 janvier 2023

“Monsieur l’Abbé. Dans les rapports conjugaux le plaisir pour la femme peut-il être recherché immédiatement avant l’acte conjugal ? (Bien entendu si le rapport a lieu en entier par le mari ensuite !) Et ce plaisir pour la femme, peut-il être donné par le mari à sa femme ou… par la femme elle-même ?”

On s’en pose, des questions, dans le film Monsieur l’Abbé, de Blandine Lenoir. L’abbé en question, c’est Jean Viollet, qui au début du 20e siècle éditait avec son Association du Mariage Chrétien une revue de conseils aux familles et aux couples. “Concilier la morale et l’amour conjugal est le plus grand problème que l’Église a à résoudre à l’heure actuelle” disait-il. Il reçut alors de nombreuses lettres dans lesquelles ses ouailles s’interrogeaient sur leur moralité, et en particulier sur ce qui concernait leur sexualité. “Pouvez-vous me renseigner sur la différence entre l’homme et la femme – je veux dire, physiquement ?” demande l’un, quand une autre se demande avec terreur si le baiser qu’elle échangea avec son fiancé en partance pour les colonies ne pouvait pas suffire à lui “donner un enfant”. Mais pour les autres, la terreur c’est aussi et surtout celle des désirs impurs, des pratiques impures aux yeux de l’Église. En mettant en scène ces lettres dans la bouche de comédiens et de comédiennes, la réalisatrice parvient à nous faire ressentir le poids immense qui pesait sur les épaules de nos ancêtres – et sur leurs corps tout entiers.

Le film fait partie de la rétrospective Libido du Festival du Court Métrage de Clermont-Ferrand, qui s’ouvre aujourd’hui même et auquel nous consacrons toute notre programmation de la semaine.

Libido encore, avec Et ta prostate, ça va ? de Jeanne Paturle et Cécile Rousset (réalisatrices de Le C.O.D et le Coquelicot – en location sur Tënk). C’est un très court métrage d’une grande et délicate simplicité, tout en peinture mouvante. Une histoire singulière : comment une femme et son père, en maillot de bain et les pieds dans l’eau d’une piscine, en arrivent à discuter de la prostate du titre, d’érection, de fantasmes nocturnes… Et peut-être aussi : comment ils en arrivent à prendre tout simplement des nouvelles l’un de l’autre ?

Libido toujours ! Avec Daphné ou la belle plante, de Sébastien Laudenbach et Sylvain Derosne. Un autre film qui utilise l’animation (comment rendre vivante et sensuelle une bûche de bois brut !) pour nous faire écouter la voix d’une femme. Celle-ci nous raconte comment elle s’effeuille pour de l’argent devant le regard des hommes. Tout ce qu’elle leur montre d’elle, ce qu’elle leur donne, mais aussi ce qu’elle voit de leur intimité, de leurs corps et de leurs âmes. Et puis : quelle liberté, quelle force elle trouve dans tout cela.


Le festival a choisi cette année de faire un focus sur le court métrage taïwanais, avec notamment en salle des films de Tsai Ming-Liang et de Huang Pang-Chuan (réalisateur de Retour et Last Year When the Train Passed By – tous deux en location). Nous avons choisi de vous montrer deux courts métrages de jeunes cinéastes. Deux films qui font la part belle à l’errance et à l’impression. The Sound of Falling, de Chien-Yu Lin – où l’on suit un cultivateur de mandarines contraint de sortir de son quotidien pour aller affronter la ville. Et Flow, de Ming-Yen Su : balade métaphysique dans un quartier vieillissant de Taipei…


Pour finir, nous sommes heureux de vous présenter le Grand Prix 2022 du festival de Clermont-Ferrand, qui vient par ailleurs d’être nommé pour le César du meilleur court métrage : Le Roi David, de Lila Pinell.

“Il y a des personnages de cinéma qui parfois débordent du cadre, et dont on se souvient toute une vie. Shana fait partie de ceux-là” nous dit Aurélien Marsais, qui programme le film. Et en effet, nous vous conseillons grandement de suivre ses aventures, à cette jeune femme ! Le Roi David est une fiction, mais le personnage de Shana est directement inspiré de la vie de la comédienne, Éva Huault, que Lila Pinell avait rencontrée lors du tournage d’un de ses documentaires alors qu’elle était enfant. Et la méthode de travail, d’écriture et de casting de la cinéaste est toute entière tournée vers une justesse qui ne peut exister que parce qu’elle est franchement ancrée dans le réel. Entre rêves de Californie, mauvais plans, mythologie et “punchlines déjà cultes”, Le Roi David est “une véritable joie de cinéma” !

Bons films !