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•• Cette semaine sur Tënk – Fannie est heureuse

14 avril 2023

“Life is sweet to me” dit Fannie. Et elle fait les carreaux. Elle passe l’aspirateur au milieu de gens en collants et justaucorps affairés à s’étirer et se contorsionner sur des tapis et machines diverses. Fannie fait le ménage, dans ce court métrage de Fronza Woods : Fannie’s Film. Et elle raconte sa vie. C’est donc “le film de Fannie” et le générique d’ouverture nous dit qu’il aurait dû être la première partie d’une série intitulée Invisible Women, consacrée aux femmes qui jouent un rôle invisible dans la société. Il n’en fut rien. Et Fronza Woods, cinéaste indépendante afro-américaine, et à ce titre “femme invisible” du cinéma, ne parvint pas par la suite à réaliser d’autre film… Quant à Fannie, elle ramasse par terre les serviettes laissées là par les blancs sportifs, et ils ne semblent pas la remarquer. Mais elle déjoue pourtant nos attentes : Fannie est heureuse – “I have a happy life” – et si elle devait recommencer, elle ne changerait rien à sa vie. “Vraiment ?” lui demande la réalisatrice (car c’est tout de même incroyable). Vraiment, oui.


À Zinder, au Niger, il y a un quartier qui s’appelle Kara-Kara. Historiquement celui des lépreux, il y règne une culture de la violence entre gangs. Et la réalisatrice Aïcha Macky, originaire de la ville, est allée y tourner son impressionnant long métrage : Zinder. Olivier Barlet, qui programme le film, note l’audace de la cinéaste qui osa aller à la rencontre d’un “milieu hyper machiste et bodybuildé qui arbore la croix gammée ! Il lui fallut deux ans d’approche, et passer les tests et provocations” pour parvenir à créer une intimité et à rencontrer pour de vrai ces hommes et ces femmes qui ont toujours baigné dans la violence – commise ou subie. Et à découvrir non seulement un quotidien et des récits de vie difficiles, mais aussi et surtout leur besoin de se sortir de la pauvreté, et de trouver une véritable place dans la société.


Qu’est-ce qu’un musée ? Pour le savoir, regardons Agalma : “Doriana Monaco observe avec la précision de l’analyste et la perspicacité de l’historienne de l’art ce qui se déroule chaque jour dans les salles du musée archéologique de Naples” écrit Daniela Persico. On y découvre évidemment des œuvres, des personnes qui restaurent et conservent, mais aussi tout un réseau de relations. Même, peut-être entre les humains et les statues (qui, puisqu’elles meurent aussi, doivent donc bien vivre !).

Et sinon, qu’est-ce qu’un opéra ? Ou plutôt : qu’est-ce qui pourrait être un opéra en Algérie ? C’est la question que se pose Karim Moussaoui, dans Les Divas du Taguerabt, le jour où Alger se voit offrir par la Chine un tout nouvel opéra (le bâtiment). Et pour y répondre, ni une ni deux, il se lance avec son équipe à la recherche de ce qui pourrait bien être une légende : il paraîtrait que dans des grottes quelque part, des femmes chantent ensemble le “Taguerabt”. Les trouveront-ils ? Oui – et ils seront saisis.


Ça n’a rien à voir, mais parlons champignons. Ou plutôt : laissons-les parler. C’est The Mushroom Speaks, de Marion Neumann. Comment faire un film qui nous permettrait de “penser en champignons” ? Si la question est singulière, il faut y voir la fascination très partagée – jusque dans de zombiesques séries à succès – pour ces organismes qui ont fait du réseau et de la communication leurs grandes forces. “Transformer une démarche documentaire en un film-rhizome, tel est le pari de Marion Neumann” estime Benoît Hické : elle tisse entre eux des entretiens d’anthropologues, de mycophiles, mycologues, mycophages, et des séquences sylvestres “planantes” et musicales. De quoi pénétrer le monde fongique en profondeur, plonger dans l’humus et connaître au mieux leur “poétique de la relation”…

Par ailleurs, nous avons lu quelque part* que Claude Lévi-Strauss estimait “que les pays qui ont une tradition révolutionnaire sont mycophiles alors que les pays qui ont une tradition libérale sont plutôt mycophobes”. Oui : pensons champignons !


Il y en a qui pensent matraque.

Dans la chanson This Is Not a Love Song, tube quadragénaire, John Lydon, chanteur de Public image Ltd. incarne un golden boy fier de sa grosse entreprise : “Big business is very wise / I’m inside free enterprise” (Les grandes firmes sont très sages /
Je fais partie de la libre entreprise
). Dans le très court film L’Art délicat de la matraque, Jean-Gabriel Périot monte sur cette chanson des images de policiers fiers de leurs matraques. Ce sont des images d’archives dont nous n’aurions aucune peine à trouver les équivalents contemporains. Quatre petites minutes, et la violence d’état, et quelques ripostes. Bref.

Bons films !

*LSD – La Série Documentaire – Les champignons sortent du bois