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•• Cette semaine sur Tënk – Désobéir

25 novembre 2022

Il y a cinquante-mille manières de désobéir. Et la programmation du festival Entrevues Belfort s’en fait l’écho cette année dans sa “Transversale” Désobéissances. Toute une programmation consacrée aux transgressions, révoltes, coupures de virages, effronteries montrées ou provoquées par le cinéma. De La Fureur de vivre aux révoltes hong-kongaises, des femmes filmées par les Insoumuses, qui défilent, au petit garçon d’En rachâchant, de Straub et Huillet, qui… rachâche !

En voilà un qui défie le pouvoir : Jafar Panahi. Alors que son dernier film, Aucun ours, est à voir en salle depuis mercredi dernier, nous vous proposons de découvrir Ceci n’est pas un film. Le réalisateur iranien, alors assigné à résidence, y invente avec son ami Mojtabâ Mirtahmâsb, un non-film, une “sorte de masterclass bricolée”, selon notre programmateur Daniel Deshays, fabriquée dans la clandestinité. C’est aussi, vu d’aujourd’hui, un terrible témoignage sur la répression en Iran et le musellement des opinions : Jafar Panahi est depuis juillet incarcéré dans la sinistre prison d’Evin, comme un nombre incalculable et toujours croissant de désobéissants, de désobéissantes.

Entrevues Belfort consacre une rétrospective à la réalisatrice de fiction Emmanuelle Cuau. L’occasion pour nous de vous montrer La Saisie, une merveille de moyen métrage réalisée par Bernard Cuau, le père. On y voit Emmanuelle adolescente, sa sœur Marianne – aujourd’hui Denicourt – et leur mère Denise Zigante. C’est un film de famille, oui, mais c’est bien davantage. C’est une interrogation sur la saisie d’images : de quel droit prend-on les images des autres ? De quel droit révèle-t-on leur intimité ? C’est aussi un film d’une immense délicatesse, qui propose la poésie comme un outil précieux pour guérir les douleurs. C’est un film rare d’une beauté rare : regardez-le.

Enfin, dernier film consacré au festival, issu celui-ci de la compétition court métrage : The Raw and the Cooked, aux côtés d’une famille aborigène Amis, de Taïwan, qui sera disponible en ligne à partir de dimanche, juste après sa projection en salle !


Pour revenir à désobéir… Punishment Park présente un monde où les idées mêmes sont punies. Où l’on peut juger un individu sur ses possibles intentions – une pensée pour Minority Report ou pour Didier Lallement. Là, dans le film de Peter Watkins, les personnes condamnées doivent relever le défi de traverser un désert californien sans eau ni nourriture, pour parvenir jusqu’à un drapeau américain. Ceci, poursuivies par des troupes policières armées et motorisées. C’est violent. C’est un film marquant, qui utilise à plein la méthode Watkins, mettant les méthodes documentaires au service de la fiction, et vice versa, et tout cela au service d’un discours politique radical. À voir et à revoir !


Nous finirons cette lettre avec de l’amour.

Le 1er décembre, c’est la Journée mondiale de lutte contre le sida. Dans Les Oiseaux du paradis, écoutons le récit de la vie d’Anne, une femme atteinte du VIH. Sa vie, écrit Aurélien Marsais, “ce sont les montagnes russes : un amour qui disparait, un autre retrouvé, une naissance, puis le SIDA qui finit par se déclarer. Une condamnation à l’époque, qui se soldera par une renaissance.” C’est que les traitements ont évolué : la renaissance devint possible. Et alors les mots d’Anne sont apaisés, reconnaissants, simples et beaux. Et le film est rempli d’amour et de couleurs. Des fleurs et des oiseaux, ou bien un peu des deux : des oiseaux du paradis. Des choses fragiles, “à l’image de tant d’histoires qu’il reste à raconter, pour ne pas oublier les victimes de l’épidémie”.

Et enfin : Si c’était de l’amour. C’est une complicité. Entre un réalisateur, Patric Chiha, et une chorégraphe, Gisèle Vienne. Mais aussi entre quinze jeunes danseurs et danseuses. Si c’était de l’amour, ce serait de l’intimité, des confidences, et de la danse. Bien plus que la documentation de la mise en scène d’un spectacle autour des raves, le film témoigne des relations, de l’intimité, il trouble la frontière entre la scène et la coulisse. Il trouble, oui, avec force, et “fait éprouver par le cinéma cette expérience puissante : celle d’une respiration commune de corps qui vivent, dansent et se consument”.

Bons films !