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•• Cette semaine sur Tënk – De l’animation

10 juin 2022

Anima anima animam.

Il y avait un animal, c’était le tigre de Tasmanie. Oh, ça ne fait pas si longtemps. Bien que le Mystery Animal Research Centre of Australia, parmi d’autres institutions, ait recueilli bon nombre de témoignages oculaires jusque récemment, l’animal est officiellement considéré comme éteint depuis 1982. Dans le film de Vergine Keaton, Le Tigre de Tasmanie tourne en rond dans sa cage : son âme est tourmentée. Il sait que la glace fond, et nous la voyons fondre, et nous voyons les montagnes s’affaisser dans des fracas musicaux. Voilà ce que peut faire le cinéma d’animation : nous faire ressentir la lourdeur des séracs et l’angoisse des choses qui autour de nous s’effondrent. Il peut nous faire plonger dans l’âme angoissée d’un thylacine, et dans ses possibles espoirs. Et puis oui, dans les nôtres, évidemment.

En écho, cette semaine, au Festival international du film d’animation d’Annecy, nous sommes ravis cette année encore de vous proposer une sélection de documentaires animés – c’est-à-dire pourvus d’une âme !

Folie douce, folie dure (qui soit dit en passant a reçu cette année le César du meilleur court métrage d’animation) est une promenade curieuse, à la rencontre des pensionnaires de plusieurs institutions psychiatriques. Notre programmateur François Waledisch, lui-même ingénieur du son, remarque : “Habituellement le son, en animation, est produit dans l’isolement du studio, sous la confortable proximité du micro. Il en résulte des sons nets, indicatifs : efficaces. Ici l’animation ne travaille pas en pensant à tout ce que le son va concrétiser, bien plutôt à épouser le caractère plus fugace et incertain des voix et des espaces non contrôlés.” En résulte un film d’une grande tendresse, au dessin économe, joyeux et précis. Un film comme attentif à son tournage sonore documentaire et à la présence de ses personnages extraordinaires.

Les cinéastes d’animation font des petits dessins, comme ça du bout de leurs doigts, avec des crayons ou quelque chose du genre, et ça fait de la poésie. Le trait du film de Valentine Moser, Elise, est en cela impressionnant. Sur le fond blanc de la feuille ou de l’écran s’impriment les souvenirs, forcément parcellaires, et à plus forte raison lorsqu’Alzheimer s’en mêle. Car c’est de cela que parle ce court métrage, ou plutôt c’est ce qu’il nous fait ressentir avec son épure très à propos : ce qui nous reste, ce qui s’efface, la vie qui passe.

Notons que Valentine Moser a également participé à l’animation du film Écorce, que nous avions diffusé l’an dernier. Vous pouvez le retrouver en location, tout comme le long métrage Chris the Swiss. La Suisse – pays de production de ces 3 films – qui est justement à l’honneur cette année à Annecy avec de multiples programmations spéciales.

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Mais revenons à notre mouton : l’âme.

Sonder l’âme des hommes. Et puis l’accuser. Ne pas lui laisser beaucoup d’espoir. C’est ce que fait une petite bande d’acolytes géniaux dans Les Temps morts (citons parmi eux Roland Topor et René Laloux, auteurs du révolutionnaire La Planète sauvage). Bon, ici, en gros, l’homme est un tueur, il ne sait qu’assassiner tout ce qui lui passe sous la main, il se détruit et détruit ce qui l’entoure, ses mains sont d’ailleurs conçues pour ça. L’humour, ça peut être noir : vous serez servis.

“Véhicules autonomes, avez-vous donc une âme ?” écrivait Lamartine. À la suite du poète, Nicolas Gourault s’intéresse dans VO aux humains qui “entraînent” les voitures censées fonctionner sans humain. Par ses images, le film nous donne notamment l’occasion d’adopter le “regard” de ces machines, un monde réduit à quelques lignes et pointillés, un monde bien lacunaire, que celui de l’intelligence artificielle…

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Enfin, notre Coup de cœur est un film qui met en scène la fabrication d’un grand classique du cinéma documentaire : Terre sans pain. Buñuel après “L’Âge d’or” raconte comment le réalisateur espagnol entama le tournage de son film dans la région des Hurdes, après ses deux premiers films – mythiques – coécrits avec Salvador Dalí, Un chien andalou et L’Âge d’or. Un grand récit façon biopic, qui fait des détours par les images issues de Terre sans pain, mais aussi par les souvenirs et les rêves du réalisateur… oui, les profondeurs de l’âme.

Bons films !