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•• Cette semaine sur Tënk

7 janvier 2022

Du fait de la morosité conjoncturelle, il ne faut pas négliger de considérer la globalité des voies envisageables, avec toute la prudence requise. *

Pendant longtemps, les mots ont permis de communiquer entre les gens. C’était assez pratique. Bien sûr, il y en avait qui s’en tiraient mieux que d’autres, qui savaient mieux articuler leurs phrases entre elles ou qui simplement parlaient plus fort. Il y a aussi ceux qui savaient prononcer des mots sans qu’ils ne veuillent rien dire. C’était assez pratique aussi (pour eux). Et puis il y a maintenant, tous les soirs aux heures de grande écoute, ceux qui disent tout simplement n’importe quoi. Et on peut leur reconnaître une certaine cohérence, puisqu’ils font n’importe quoi. Mais enfin, à trop tordre les mots, à trop les essorer de leur contenu comme de petits chiffons, on se retrouve avec une langue vide, qui ne représente plus rien de la réalité. Comment on fait, alors, pour se parler ?

Tout ça pour dire : il y a des mots dans les films de la semaine, ou bien, au contraire, pas de mots.

La langue ne ment pas nous dit le titre du film de Stan Neumann. « Le récit du combat superbe, inégal et désespéré, mené par Victor Klemperer, consistant au maintien de la culture et de la raison face à la barbarie qui, férocement, ensevelit tout », nous dit Arnaud Hée, qui programme le film. Le sujet du film ? La langue du Troisième Reich. Celle que Goebbels parlait, celle utilisée par les fonctionnaires de la Gestapo et qui se diffusa dans la société, jusqu’à la bouche de chacun et chacune, jusqu’à la bouche des futures victimes. Une langue empoisonnée, oui.

Le film fait partie du Fragment d’une œuvre consacré cette semaine à Stan Neumann, dans lequel vous retrouverez également Les Derniers Marranes et Une maison à Prague.

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Il Solengo, cela désigne un vieux sanglier solitaire vivant à l’écart de la harde. Ici, c’est un homme : Mario. Un sanglier solitaire, c’est peu causant. Alors pour l’évoquer, les anciens de sa région se réunissent et ils en parlent. Ils racontent avec leurs mots ce qu’il était, Mario, comment il a vécu dans sa grotte pendant des dizaines d’années. On a toujours beaucoup à dire des originaux. La petite troupe de vieux chasseurs fait, en fait, de l’histoire, une histoire orale qui oscille entre le réel et l’imaginaire. Et qui donne une idée de comment se fabriquent les légendes.

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Alors sinon, il y a l’absence de mots. C’est aussi une solution, parfois. Et ce n’est pas forcément le silence.

La forêt, par exemple, c’est super bruyant : le cerf y brame, le grand tétras se racle la gorge d’une manière qui ne connaît pas vraiment de mot pour la désigner, les corbeaux, eux, croassent. Dans les bois est un film animalier sublime, un « chef d’œuvre de cinéma d’émerveillement ! » C’est une plongée dans une forêt et dans la richesse de sa vie animale, l’œil attentif et l’oreille tendue. Une heure passée dans les bois, une heure d’attention, avec « une lenteur, une sorte de majesté qui calme et réunit »… ce qu’on ne saurait trop vous conseiller…

But We Have the Music, ce sont des chansons. Et ce titre ne vient pas de nulle part. Il est tiré de Chelsea Hotel #2 de notre père Leonard Cohen : « We are ugly but we have the music » **, dit-Il. Ici, le film est une belle expérience : plonger dans ce que c’est que d’écouter des chansons qui nous touchent. Dans l’émotion que ça nous procure. Ce sont de simples portraits de personnes à l’écoute, qui les unes après les autres semblent dévoiler toutes leurs fissures, et nous rappellent les nôtres – mais les fissures, on le sait tous aussi, « that’s how the light gets in » *** !

Vous retrouverez enfin dans notre programmation L’Odyssée d’Omar, qui entre Europe et Ouagadougou suit le trajet d’un entrepreneur nommé Yves-Omar…

Bons films !

* vous aussi, apprenez à parler vrai
** Nous sommes laids, mais nous avons la musique
*** C’est ainsi que passe la lumière