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8 octobre 2021

Des langues et du bois

Le plateau de Millevaches, sublime terre creusoise et corrézienne, est en grande partie couvert de forêts de résineux. C’est là, entre autres, que se déroule Le Temps des forêts de François-Xavier Drouet. Là, les forestiers ont trouvé il y a bien longtemps un territoire propice à la sylviculture : planter des arbres, les récolter, et vendre leur bois. Douglas, épicéas, sapins pectinés, pendant des décennies, ont été plantés bien alignés, bien ordonnés, bien classés par essence, pour un rendement optimal et une exploitation efficace. Mais il semblerait qu’il faille du temps et quelques générations pour les prises de conscience : la logique d’efficacité économique et le manque d’imagination – le savez-vous ? – n’ont pas nécessairement des effets bénéfiques sur l’environnement. La terre meurt d’acidité, les sous-bois se dépeuplent : mais où sont passées biches et mésanges ?

Le film part à la rencontre de ceux et celles qui travaillent, entretiennent, cultivent, défendent ou commercialisent la forêt. Du plateau de Millevaches aux Landes, des Vosges au Morvan, certains d’entre eux (mais pas tous) inventent des alternatives, convaincus qu’il existe une vie forestière en dehors du modèle agricole intensif. C’est que le temps des forêts s’oppose – par essence – à celui du profit immédiat. Comme le temps du pétrole. Comme le temps du charbon. Oui, il semblerait qu’il faille du temps et quelques générations pour les prises de conscience…

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Parlons langage, un peu.

Il y a des gens, c’est la parole. D’un côté, Josef, ancien valet de ferme dont les mots arrivent par flots ponctués de bribes et de répétitions, et commentent la marche du monde. Josef, être singulier à la parole singulière, silhouette tatiesque filmée par Leopold Lummerstorfer dans Quelques jours avec Josef. D’un autre côté (pas de l’autre côté, juste un autre côté) : Marguerite. Duras de son nom. Filmée, elle, par Benoît Jacquot dans sa maison de Neauphle-le-Château. Une maison pas innocente, dans laquelle l’écrivaine écrivit quelques-uns de ses livres, tourna quelques-uns de ses films. « Quoi faire de la solitude que je vivais dans cette maison ? Ça a commencé comme ça, comme une blague. Peut-être écrire. » Dit-elle. Et Marguerite Duras – Écrire, c’est le titre du film.

Il y a d’autres langages : des gens qui sifflent, dans Silabario, en mettant leur doigt comme ça en travers de la bouche, leur autre main comme ça en haut-parleur, et ça fait des variations qui apparemment signifient quelque chose, voire même des poèmes (un peu comme le chant du troglodyte arada, soit dit en passant). Il y a aussi, dans Ainsi parle Tarām-Kūbi… une fascinante correspondance assyrienne quadri-millénaire, marquée dans des blocs d’argile en écriture cunéiforme. Il faut voir l’archéologue Cécile Michel la lire couramment dans une langue disparue : ses yeux rebondissent sur des ombres et des reliefs de terre et ça crée des mots, et ça raconte des histoires de commerce, de riches étoffes, de maris et de femmes. C’est tout de même incroyable.

Découvrez juste là ci-dessous les deux autres films qui composent notre programmation de la semaine : Touch, qui met en scène un personnage inventé, un amalgame de recherches, d’interviews, de propos off, de secrets, d’invraisemblances et de désirs flottants, ce personnage, donc, revenant dans le quartier de son enfance… Et Waban-Aki : peuple du soleil levant, de la grande réalisatrice canadienne Alanis Obomsawin, connue pour ses films engagés aux côtés des nations autochtones. Elle revient ici au plus près de ses propres origines pour construire une impeccable œuvre militante, un éblouissant travail de mémoire, un film lyrique qui dresse un portrait lumineux de la nation Waban-Aki et témoigne de ses nécessaires luttes pour continuer d’exister.

Bons films !