Au pays du poète Mahmoud Darwich, il faut bien quelques résistants pour que survive la culture. Radi et Mounira sont de ceux-là. Pour faire vivre leur art, ce couple de marionnettistes sillonne les terres de Palestine et d’Israël envers et contre tout : l’usure de leurs 65 ans, la lassitude de leurs enfants face à leur passion vorace et, surtout, les vicissitudes de cette terre bousculée par une violence quotidienne. C’est pour leur dernière tournée que la caméra de l’historien Julien Gaertner et du cinéaste Karim Dridi embarque avec les deux artistes, nous offrant un portrait intimiste de ce couple hors du commun.
S’appuyer sur leur seul charisme était-il suffisant pour laisser vivre toutes les scènes sans commentaire, c’est-à-dire sans contextualisation ni explications ? Si le film s’essouffle un peu sur la longeur, on reste de bout en bout saisis par l’inextinguible passion qui porte cette entreprise impossible, récompensée par les regards captivés des enfants. Mais, hors de la scène, l’étau du réel revient aussitôt. « Je suis à bout de forces », lâche Mounira. Cette dernière est aussi épuisée que leur camionnette qui, à chaque trajet, menace d’expirer. Pourtant la passion reprend chaque fois le dessus, et avec elle, en filigrane, l’engagement pour une cause – pour leur terre. Ainsi, lorsque leurs enfants, aujourd’hui adultes, leur demandent pourquoi ils s’entêtent avec ces tournées, les deux répondent : « C’est notre façon de résister. » Ou comment l’art peut gagner d’une syllabe sur les armes.
À voir
Hakawati, les derniers conteurs,
documentaire de Julien Gaertner et Karim Dridi (52 mn, France, 2020). Disponible sur Tënk.