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L’exercice poétique – 4 films pour comprendre le processus créatif

3 décembre 2020

Bien qu’il soit souvent fondamentalement poétique, le documentaire d’auteur sert parfois d’outil d’analyse pour comprendre les origines de l’acte de création. Qu’elle soit lue, dite, écrite ou à peine verbalisée, la poésie semble parfois exister par nécessité de créer du sens ou pour libérer son auteur de peines profondes. Quel que soit le dessein auquel on la destine, la poésie ne cesse d’exister et d’être communiquée. Dans cette sélection de films sur Tënk, découvrons comment naît la poésie, partons à l’exploration des lieux où elle prend racine et des raisons humaines qui la rendent… indispensable.

 

DERNIERES NOUVELLES DU COSMOS DE JULIE BERTUCCELLI

[2016, 90′]

 

Résumé :

Née en 1985 et âgée de presque 30 ans lors du tournage, Hélène a toujours l’air d’une adolescente. La jeune femme est l’autrice de textes puissants et physiques, à l’humour corrosif. Elle fait partie comme elle l’écrit elle-même d’un « lot mal calibré, ne rentrant nulle part ». Visionnaire, sa poésie télépathe pense loin et profond, elle nous parle de son monde et du nôtre. Pourtant Hélène ne peut pas parler ou tenir un stylo et n’a jamais appris à lire ni à écrire. C’est à ses 20 ans que sa mère découvre qu’elle peut communiquer en agençant des lettres plastifiées sur une feuille de papier. Un des nombreux mystères de celle qui se surnomme Babouillec…

L’avis de Tënk :

Qui imaginerait une autiste suivre l’adaptation pour le prestigieux Festival d’Avignon de ses poèmes au plateau par un metteur en scène (Pierre Meunier), ou converser avec un mathématicien et chercheur au CNRS (Laurent Derobert) sur l’algèbre ? C’est pourtant ce que vit la poétesse Babouillec, alias Hélène Nicolas. Ne maîtrisant pas la parole – ou n’ayant pas encore trouvé, selon sa mère, la clef pour y accéder –, écrivant et lisant sans que cela lui ait été enseigné, Hélène bouscule les certitudes sur l’autisme, le handicap et nos capacités psychiques. Sa présence brute, malhabile, contraste avec la puissance radicale de sa langue, où s’exprime avec lyrisme et pointes d’humour sa propre métaphysique. Bouleversant – dans tous les sens du terme – et ponctué de ses écrits, le film dessine au plus près, en cinéma direct, le portrait émouvant d’une jeune femme, de sa présence singulière au monde à sa relation à sa mère.

Caroline Châtelet
Journaliste, critique dramatique

 

VERS FRANCIS PONGE DE GUY CASARIL

[1966, 62′]

 

Résumé :

Ce film est un effort vers la simplicité : l’image et le son ne nous livrent que le visage et la parole du poète Francis Ponge. Rien que l’auteur, réputé secret, et son œuvre, face au public. Le réalisateur nous avertit dès le début : « Les images qui suivent ont été enregistrées le 10 juin 1965. Nous avons choisi de les présenter telles quelles comme le brouillon d’un film qui ne sera jamais réalisé ».

L’avis de Tënk :

Au-delà du « Parti pris des choses » dont la parution en 1942 le fit connaître, Francis Ponge nous convia au fil des publications dans son atelier d’écriture, nous permettant ainsi d’assister à l’élaboration de son œuvre poétique. Poète, cependant, il en refusait le mot pour lui-même et s’est toujours efforcé de ne pas être « un fournisseur de poèmes ».
« Méthodes », « La Fabrique du pré », « Comment une figue de paroles et pourquoi » : ces titres témoignent du work in progress que demeure son œuvre pour les lecteurs et lectrices d’aujourd’hui.
« Vers Francis Ponge », proposé en 1965 par l’audacieux Service de la Recherche de l’ORTF, en est le prolongement audiovisuel : plutôt que d’un entretien, il s’agit quasiment d’un monologue au cours duquel Ponge tente d’expliquer son cheminement et les partis pris qui sont les siens, et s’y emploie, en pédagogue, à commenter deux de ses textes (« Le Verre d’eau » et « Le Pré »). En creux, c’est aussi la position unique qu’il occupe dans la poésie française qui s’y dessine.
« J’aimerais faire un dictionnaire sensible, c’est tout. »

Fabien David
Programmer of Cinéma Le Bourguet in Forcalquier

 

LA RENCONTRE DE ALAIN CAVALIER

[1996, 75′]


Résumé :

Un cinéaste rencontre une femme. Par petites touches, il filme avec sa caméra vidéo des moments de leur vie, des objets, des lieux. Après un an de tournage, 75 minutes de vidéo racontent l’histoire d’un lien tissé dans le quotidien – le jeu, l’intimité – et sublimé par le désir.

Avec le soutien de la Sacem

L’avis de Tënk :

Tout d’abord le silence ou presque. Constamment, tout au long du film, « l’ambiance synchrone » du plan, par la rupture ou la durée, révèle la variété des couleurs de fonds d’air généralement anonymes.
À l’image, un reflet, un flou, une ombre ou une bouche esquissent des présences fugaces. Alain Cavalier et sa mie monologuent ou dialoguent sans qu’on ne voie leurs visages. L’impression d’entendre un travail classique de voix off est vite désamorcée par la révélation d’un hors champ joué en son direct. Dans l’intimité de la caméra, les variations de présences, de dynamiques, d’espaces imprimés par la voix et aussi les limites même du micro caméra en enregistrement automatique convoquent une oreille amoureuse.
Un espace d’écoute ainsi ouvert nous invite à voir autrement, à jouir, par delà l’amour naissant du couple à l’écran, de l’union féconde de l’image et du son !

François Waledisch
Ingénieur du son

 

L’ACADEMIE DES MUSES DE JOSE LUIS GUERIN (VOD)

[2015, 92′]

 

Résumé :

L’amphithéâtre d’une université des Lettres. Un professeur de philologie distille des cours de poésie à une assistance étudiante composée principalement de visages féminins. À ce projet pédagogique qui convoque les muses antiques pour dresser une éthique poétique et amoureuse, les étudiantes se prêtent petit à petit, avec vertige et passion, au jeu d’une académie des muses bel et bien incarnée. Projet utopique ? Invraisemblable ? Controversé ? Se succèdent des jeux de miroirs et de pouvoirs, de séduction et de désirs, où chacun joue son rôle, où le faux s’acoquine avec le vrai, où badinage amoureux et satire se conjuguent avec délice, sous les auspices de Dante, Lancelot et Guenièvre, Orphée et Eurydice.

L’avis de Tënk :

Des ombres et des reflets naviguent des couloirs de l’université de Barcelone aux contreforts du Vésuve, créant alors ce nouvel espace-temps que devient le film, où la matière fictionnelle et la réalité se regardent. Dans ce voyage, des corps, des paroles et de la pensée se libèrent les uns des autres et les allégories s’affranchissent. Ces femmes interrogent les carcans dans lesquels, souvent, la poésie et la littérature les réduisent pour se lancer dans une course folle au désir, à la beauté, à ce qu’est une pensée pure et pour essayer de comprendre ce qu’est vraiment cette utopie qu’est l’Amour.

Line Peyron
Productrice