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LE MONDE – Tënk propose des documentaires en VoD pour ouvrir ses horizons

30 mars 2020

La crise sanitaire et le repli chez soi soulèvent tellement de questions que l’on peut être tenté d’aller chercher dans le documentaire de la matière à réflexion. Mais aussi une fenêtre ouverte sur l’imaginaire, tant certains films ici présentés sur la plate-forme Tënk brouillent les frontières entre le réel et la fiction. L’histoire de sa création est déjà, en soi, une aventure de cinéma, dont la cinéaste Claire Simon a chroniqué les étapes dans sa série Le Village (2019). Soit la commune de Lussas, en Ardèche, qui accueille chaque été les Etats généraux du film documentaire (depuis 1989), mais aussi une école de cinéma, des studios de postproduction…

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Dernière-née, en 2016, la plate-forme coopérative Tënk vise à faire découvrir au plus grand nombre des films de création, lesquels sont visibles, pour la plupart, dans les festivals et restent, il faut le reconnaître, dans un entre-soi. S’ils réussissent à sortir en salles, c’est souvent de manière confidentielle. « L’idée de Tënk est de permettre à tout le monde d’accéder à une culture documentaire, au-delà des 5 000 à 10 000 passionnés, explique Jean-Marie Barbe, cofondateur des Etats généraux du film documentaire et président de Tënk. L’argent des abonnements – plus de 16 000 actuellement – permet d’investir dans la production de films. Ce rôle est d’autant plus important que le documentaire de création a été lâché par la télévision depuis le début des années 2000. »

En cette période de confinement, Tënk enregistre environ soixante nouveaux abonnés par jour, contre une quinzaine auparavant (le tarif est de 6 euros par mois, 60 euros par an, 2 euros pour la location d’un film).

Comment se frayer un chemin dans le dédale des 700 films proposés, dont les réalisateurs sont, pour la plupart, inconnus du grand public, si l’on excepte Raymond Depardon, Chris Marker, Mariana Otero, Nicolas Philibert, Claire Simon, Agnès Varda… ? Le site, animé par une vingtaine de programmateurs, essaie d’aiguiller au mieux les néophytes, avec un « parcours découverte » proposant quatre œuvres commentées et des « plages » thématiques (écologie, arts, docmonde, essais…). Enfin, la plate-forme abrite les films primés lors de la 42e édition du Cinéma du réel, dont le Grand Prix, attribué jeudi 26 mars au film espagnol et suisse de Luis Lopez Carrasco, El Año del Descubrimiento (The Year of the Discovery) – ainsi que d’autres œuvres de la sélection.

Pauline s’arrache (2015), d’Emilie Brisavoine
Beaucoup de trouvailles et d’inventivité visuelles dans ce film inspiré de la vie de la réalisatrice : à 15 ans, Pauline (demi-sœur d’Emilie Brisavoine) étouffe entre les quatre murs de l’appartement, veut quitter ses parents, son père qui se travestit, sa mère qui fut une reine de la nuit. Pourquoi n’est-elle pas née dans une famille normale ? Mais qu’est-ce qu’une famille normale, interroge le film ? Pauline s’arrache pourrait être aussi bien un conte de fées.

Homeland : Irak, année zéro (2016), d’Abbas Fahdel
Chronique intime et politique, œuvre poignante qui ne perd jamais de vue l’humour, ce film nous plonge dans le quotidien de la famille irakienne du réalisateur, avant et après l’intervention américaine en 2003 (film en deux parties, cinq heures trente-quatre au total). Le volet 1, celui de l’attente, montre comment le beau-frère, la nièce, le neveu se préparent et se barricadent dans la maison. Le volet 2, après les destructions, voit le réalisateur aller sur le terrain, dans un pays en plein chaos, constater les dégâts et la colère des habitants.

Il n’y aura plus de nuit (2020), d’Eléonore Weber
Issue de la scène contemporaine et performative, Eléonore Weber est l’auteure du documentaire Night Replay (2012), écrit avec Patricia Allio. Dans ce nouveau film-essai, en compétition française cette année au Cinéma du réel, la réalisatrice interroge le statut des images en « vol de nuit » d’un soldat et pilote d’hélicoptère, à la douce texture métallique. Sur le terrain, les silhouettes phosphorescentes sont pareilles à des lucioles livrées à la surveillance et aux tirs ciblés…

Brise-lames (2019), de Jérémy Perrin et Hélène Robert
Cinq ans après le tsunami qui a frappé la côte pacifique du Japon, en 2011, les deux réalisateurs sont allés capter avec une infinie délicatesse la vie qui reprend, un entre-deux-mondes flottant entre les vivants et les morts. Espace poétique habité par des fantômes, ce Brise-lames compte aussi parmi ses « personnages » en construction un immense mur en béton barrant la vue sur la mer, censé protéger les habitants de ses furies et déchaînements.

Carolyn Carlson, solo (1984), d’André S. Labarthe
Carolyn Carlson, Venise et la caméra d’André S. Labarthe (1931-2018), voilà une belle invitation au voyage et au mystère de la création. En 1983, la danseuse et chorégraphe travaille et répète Blue Lady, une chorégraphie improvisée qui fera sa « première » au Théâtre Fenice, tandis que le réalisateur et critique des Cahiers du cinéma, qui très tôt, au tournant des années 1950-1960, défendit Buñuel et Cassavetes, guette le miracle d’un geste…

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Clarisse Fabre