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EICTV, former un nouveau regard sur la société cubaine

10 novembre 2020

L’École internationale du cinéma et de la télévision (EICTV) est considérée comme l’une des plus importantes institutions de formation audiovisuelle au monde. Elle a été créée par le Comité des cinéastes latino-américains, avec le soutien du gouvernement de la République de Cuba et a été inaugurée le 15 décembre 1986. Elle est basée près de San Antonio de Los Baños, dans la province d’Artemisa, à Cuba. Proche de La Havane, elle est implantée dans un cadre rural sur les hauteurs d’une vaste plaine.
Conçue à l’origine pour les étudiants d’Amérique latine, d’Afrique et d’Asie, l’EICTV a mis en pratique la philosophie de l’enseignement “aprender haciendo” (apprendre en faisant), avec des professeurs, cinéastes en activité, qui transmettent leurs connaissances en s’appuyant sur l’exercice et l’expérience. Aujourd’hui, l’inscription est ouverte aux étudiants du monde entier. Des milliers de professionnels et d’étudiants de plus de 50 pays sont passés par ses salles de classe, ce qui en fait un espace de grande diversité culturelle.

 

La Carga de Victor Alexis Guerrero

(2015, 24 minutes)

Résumé :

La Carga” est un regard sur le microcosme ferroviaire d’un train qui ne devrait pas, en théorie, s’arrêter mais qui passe la plupart de son temps à l’arrêt. Ce road-movie immobile nous dépeint les relations entre les travailleurs du train ainsi que leurs réactions face aux multiples incidents auxquels ils font face.

L’avis de Tënk :

Du premier film au monde au “Transperceneige”, en passant par le wagon de “Lettre d’une inconnue” ou Artavazd Pelechian, le train est à la fois la modernité, le cinéma – et notre 20e siècle, jusque dans ses horreurs.
Et un train à l’arrêt ?
On peut regarder ce film comme une métaphore de tout ce qui pourra sembler bon : l’insularité de Cuba, les limites de la masculinité, l’exil de sa propre vie, les inconséquences de la hiérarchie, l’absurdité de la bureaucratie.
Mais si la situation est absurde, douce en est la composition. Surgi de la nuit, s’y fondant presque à la faveur d’une panne, puis fier dans la belle lumière du soir ; entouré de soins dans une courbe de la voie, enfin chambre de hasard – le train, vide de chargement, devient gros de temps, de silences, de voix et de chants mêlés ; d’écoute, de corps et d’une vitalité nouvelle.
Pas tout à fait une utopie, certainement pas un naufrage.

Jimmy Deniziot, Pré-sélectionneur pour les États générauxdu film documentaire – Lussas

 

 

Los Perros de Amundsen de Rafael Ramírez

(2017, 27 minutes)

Résumé :

Un aperçu d’un Cuba méconnu. Une intrigue arrachée à la Trilogie Acéphale de José Luis Serrano, où l’on croise les chiens de l’explorateur Amundsen, un inspecteur-poète chargé d’enquêter sur des accidents industriels, et H.P. Lovecraft. Un cinéma cubain du 21e siècle, qui mêle héritages futuriste, soviétique, européen et américain, tandis que l’île tente des scénarios possibles pour aujourd’hui.

L’avis de Tënk :

L’entame échevelée du film nous entraîne du côté de Lovecraft et du “Gordon Pym” d’Edgar Poe : les expéditions aux déserts blancs des pôles risquent de réveiller des horreurs millénaires. Puis, avec plus de flegme, un homme en bleu de travail prend la suite, qui enquête sur des accidents et enregistre d’étranges paroles, comme autant d’ésotériques rapports frayant avec l’occulte. Associées, ces deux atmosphères elliptiques et énigmatiques documentent l’expansion du Mal. Expansion par les conquêtes et les colonialismes ; les dominations et les guerres ; la corruption du langage et les morts du travail. Sous les haillons d’Arlequin de la civilisation, c’est bien la même barbarie. Qui murmure dans le noir ou agit en pleine lumière. Face à elle : la communauté humaine.

Jimmy Deniziot, Pré-sélectionneur pour les États généraux du film documentaire – Lussas

 

 

El Cementerio se alumbra de Luis Alejandro Yero

(2018, 14 minutes)

Résumé :

Une radio annonce que La Havane et les villes voisines sont tombées. Des centaines de jeunes dansent dans un bunker et un homme murmure des versets de la Bible dans une gare. La vie explose lors d’une nuit de mort.

L’avis de Tënk :

À leurs effondrements respectifs, pas si différents, les deux autres films de l’EICTV programmés (“La Carga” et “Los Perros de Amundsen”), opposent le chant, la musique, et une écoute aux histoires de notre humaine communauté.
Plus mystérieux, “El Cementerio se alumbra” est peut-être un épilogue subliminal à ces deux films, témoignant du sens de nos combats et de nos existences.
Si le cimetière du titre est éclairé, c’est que la vitalité des morts, celle des rêves et des utopies, sans cesse alimentée, surgit des limbes – embrasée par la vitalité de la jeunesse.
Ce cimetière lumineux, c’est peut-être la ville, vue depuis la nuit ; c’est peut-être cet endroit sous terre où danser ; c’est peut-être aussi le ciel étoilé au-dessus de nos têtes, qui est la cartographie de nos morts. Là où, distances et absences abolies, la lumière nous atteint. Malgré tout.
Mais le poème final le dit mieux.

Jimmy Deniziot, Pré-sélectionneur pour les États généraux du film documentaire – Lussas

 

 

Plastico de Sissel Morell Dargis

(2018, 27 minutes)

Résumé :

Deux potes de débrouille quittent la Havane pour prendre les chemins de traverse de la vente à la sauvette. Ils arpentent la campagne cubaine, au gré du porte à porte, pour fourguer des Tupperware. Ils ont la tchatche et enrobent leurs boîtes en plastique d’un flot continu de paroles. Leur petit business dévoile une réalité cubaine hors des sentiers battus.

L’avis de Tënk :

Véritable clin d’œil au cinéma direct des frères Maysles, les “salesmen” de Sissel Morell Dargis se retrouvent ici transportés dans la société cubaine post-castriste. Et si l’on rit beaucoup aux côtés de nos deux compères, vendeurs de boîtes en plastique, le mirage d’un idéal communiste laisse rapidement la place au goût amer d’un Cuba entré de plein fouet dans la débrouille capitaliste.

Éva Tourrent, Réalisatrice, responsable artistique de Tënk