Notre coup de cœur de la semaine est un grand film politique. À l’heure où la scène internationale est secouée par une présidence américaine plus que troublante, apothéose médiatique du vide intellectuel, The Murder of Fred Hampton de Howard Alk et Mike Gray nous emmène lui, à la fin des années 60 aux États-Unis, à une époque marquée par l’émergence de luttes sociales politiquement exaltantes.
Par une reconstruction passionnante de la vie et de la mort de Fred Hampton, leader charismatique du Black Panther Party, tué par la police à 21 ans, Alk et Gray réalisent un exemple rare et d’autant plus nécessaire de cinéma d’urgence et de combat. Les deux réalisateurs de Chicago réussissent un acte humble de recherche de la vérité. Ils prennent appui sur une enquête de terrain rigoureuse et indépendante, afin de nous donner un aperçu éclairant du travail social – et socialiste – des Panthers dans les ghettos des noirs. Une histoire à ne pas oublier, car si Fred Hampton a été réhabilité par la suite, aucun des responsables de son homicide n’a jamais été jugé coupable.
Autres temps politiques avec Vote off de Fayçal Hammoum, cette fois-ci nous sommes en Algérie et dans un 21e siècle comme figé. Le film, interdit par la censure algérienne, suit le quotidien d’abstentionnistes quelques semaines avant les élections présidentielles. Ils évoquent leurs doutes, affichent leur résignation et témoignent de l’absence de perspective que leur offre la politique de leur pays. Fayçal Hammoum a exprimé sa frustration de ne pouvoir diffuser son film en Algérie, puisqu’il s’adresse aux personnes de sa génération qui, comme lui, ne votent plus depuis des années, au point d’en oublier les raisons.
Avec Annonces de Nurith Aviv, notre Plage Grands Entretiens vous propose quant à elle un très beau film sur le mouvement de la pensée, le pouvoir des mots, le secret de la voix, la séduction de l’image. Depuis un certain nombre d’années, Nurith Aviv a inventé une manière inédite et passionnante de filmer la pensée. Tout son effort consiste à offrir un écrin à la parole (savante), à la placer en majesté. On est bien loin des formes canoniques de l’entretien radio ou télé qui privilégient toujours plus ou moins le penseur sur sa pensée, la petite histoire biographique aux travaux intellectuels à proprement parler. Autour du thème qu’elle a besoin d’explorer ici, “l’annonce”, Nurith Aviv rassemble des savoirs et des questionnements variés, qui d’une séquence à l’autre, d’une voix ou d’une langue à l’autre, entrent en résonance, s’enrichissent et s’approfondissent. De l’annonce à l’annonciation, du verbe à l’image, le film ne cesse ainsi de s’étager, d’étonner, de gagner en urgence et en gravité.
Annonces de Nurith Aviv sera projeté les 30 septembre, 12 et 29 octobre par la Bpi – Centre Pompidou à Paris dans le cadre de Génération documentaire, programmation de la Cinémathèque du documentaire consacrée à 40 ans de cinéma aux Films d’Ici.
Dans La Syntaxe du regard de Philippe Lavalette, des chercheurs tentent de comprendre le regard pour mieux appréhender une œuvre d’art. Ils matérialisent et enregistrent pour cela les mouvements de l’œil. Qu’est-ce que la subjectivité d’un regard ? Qu’est-ce que l’empreinte du regard ? Ce court film de 1978 est une expérience indispensable pour le spectateur !
Expérience à laquelle pourrait répondre l’apostrophe d’Alain Cavalier en ouverture de son Georges de La Tour : “Toi, spectateur qui regarde…” ! Loin de tout didactisme, de toute histoire officielle de l’Art, de toute analyse de tableau rigoureuse, Cavalier se fait conteur, passeur. Avec comme point de départ un tableau, il suit (non sans une certaine gourmandise) le fil de sa pensée qui vagabonde. Il nous raconte son histoire, son rapport personnel à ce peintre et ses œuvres… bref, son “George de la Tour”. Ainsi replace-t-il l’Art pour ce qu’il est (et qu’on oublie trop souvent) : d’abord un dialogue intime entre une œuvre et celui qui la regarde… Et c’est très revigorant !
Enfin, plus qu’une semaine pour accompagner la fin de l’été et voir le très beau et singulier Ce cher mois d’août de Miguel Gomes.
À la mémoire de Marceline Loridan-Ivens, disparue cette semaine, nous vous invitons également à voir ou revoir le film Une histoire de vent qu’elle écrivit avec Joris Ivens. Il est encore disponible 15 jours sur Tënk.
Bons films !