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Documentaire et migrations

15 octobre 2015

Si elle n’est pas nouvelle, la question de la migration vers l’Europe a pris ces derniers mois une ampleur dramatique. L’arrivée quotidienne de plusieurs centaines d’hommes, de femmes et d’enfants aux frontières et sur toutes les routes du continent européen, la disparition en mer de plus de 3 000  personnes et les tristes phénomènes médiatiques qu’ils ont engendrés lèvent le voile sur les politiques en œuvre au sein de nos sociétés occidentales et leur responsabilité dans cette crise migratoire.

Si les médias de tous genres s’emparent régulièrement du sujet pour généralement s’en détourner aussi vite, le cinéma documentaire se penche depuis longtemps sur ce qui mène les hommes à mettre en suspens leur vie pour tenter d’aller la reconstruire dans un ailleurs plus ou moins lointain.

Dans cette longue liste de films, nous en avons choisi quelques-uns qui ont su se mettre à l’écoute de ceux qui ont entrepris de telles traversées et nous aident à comprendre les enjeux humains et politiques de ce qui se joue à nos frontières.

 

Mirages, de Olivier Dury – 2008

Alors que l’on documente plus volontiers l’issue du voyage, Olivier Dury choisit de filmer son point de départ : le désert du Sahara, que les jeunes Nigériens qu’il accompagne doivent franchir dans leur quête de l’Europe. Entassés sur des pick-up, soumis au vent, au froid et à la fatigue, rien n’entame l’espoir encore intact qui les pousse à avancer. Constamment à leurs côtés, le réalisateur traverse avec eux la première frontière et rend sensible ce moment fugace où ils abandonnent leur identité pour devenir des individus anonymes et clandestins.

Alors que l’on documente plus volontiers l’issue du voyage, Olivier Dury choisit de filmer son point de départ : le désert du Sahara, que les jeunes Nigériens qu’il accompagne doivent franchir dans leur quête de l’Europe. Entassés sur des pick-up, soumis au vent, au froid et à la fatigue, rien n’entame l’espoir encore intact qui les pousse à avancer. Constamment à leurs côtés, le réalisateur traverse avec eux la première frontière et rend sensible ce moment fugace où ils abandonnent leur identité pour devenir des individus anonymes et clandestins.

 

Les messagers, de Laetitia Tura et Hélène Crouzillat – 2014

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Frontière naturelle de l’Europe, empruntée le plus souvent par des embarcations surchargées et inadaptées à la traversée, la Méditerranée est devenue ces dernières années un cimetière à ciel ouvert où ont disparu les corps de ceux qui n’ont pas survécu au voyage.

Pour rompre le silence coupable ou l’indifférence générale qui entourent ces morts anonymes, Laetitia Tura et Hélène Crouzillat sondent les lieux en quête d’une trace et donnent la parole à ceux qui ont survécu, ces messagers qui redonneront un nom et une histoire aux disparus.

 

Ceuta, douce prison, de Jonathan Millet et Loïc H. Rechi – 2012

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Prenant à son sens littéral le mot frontière, Jonathan Millet et Loïc H. Rechi ont choisi de placer leur caméra à Ceuta, dans cette petite enclave espagnole qui se trouve encore en territoire marocain. Iqbal, Marius, Simon, Guy et Nür se trouvent donc théoriquement en Europe mais ils sont encore loin d’être arrivés au bout de ce voyage pour lequel ils ont entrepris tant de risques.

Soumis au bon vouloir des autorités espagnoles, rejetés par les habitants de la ville et maltraités par les agents de sécurité du centre de contrôle des frontières, ils commencent à entrevoir les difficultés qui s’annoncent pour la suite de leur parcours. Malgré tout, l’Europe qui se profile de l’autre côté de la mer, derrière les grilles et les barbelés, constitue leur seul espoir.

 

L’escale, de Kaveh Bakhtiari – 2013

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Parti rejoindre un cousin iranien placé en centre de rétention à Athènes, le réalisateur Kaveh Bakhtiari, qui dispose, lui, d’un passeport suisse, partage pendant près d’un an le quotidien de jeunes clandestins iraniens venus tenter leur chance en Europe. Au jour le jour, il les filme dans le petit appartement de la banlieue d’Athènes qu’ils partagent et les suit dans leur tentative de rejoindre le nord de l’Europe ou de l’Amérique, où leurs chances de s’en sortir sont plus grandes. Dans l’attente de la bonne combine qui leur permettra de passer les frontières européennes sans se faire arrêter, ils sont aussi la cible privilégiée de la malveillance des passeurs, de la violence policière et des groupes d’action fascistes qui sévissent dans les quartiers d’Athènes.

 

Calais, la dernière frontière, de Marc Isaacs – 2003

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Tourné en 2003 après la fermeture du camp de Sangatte, qui s’est depuis transfiguré en différentes « jungles » reconstituées sitôt leur démantèlement achevé, Calais, la dernière frontière, montre la ville de Calais comme une zone de transits économiques et humains. Marc Isaacs met en perspective le quotidien de migrants afghans et leurs tentatives pour rejoindre l’Angleterre et celui de citoyens britanniques qui s’installent à Calais ou y viennent le temps de quelques heures pour profiter des prix français avantageux. Dans la contradiction de ces désirs opposés se révèle en négatif la profonde absurdité de la logique européenne des frontières.

 

La nuit remue, de Bijan Anquetil – 2012

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Le temps d’une errance nocturne dans Paris, Bijan Anquetil rend visibles les désirs d’une jeunesse afghane clandestine condamnée à l’obscurité mais qui continue bel et bien de vivre dans le noir. Sobhan et Hamid ont quitté l’Afghanistan il y a déjà longtemps. De leur voyage, il ne reste que quelques vidéos dans un téléphone portable et les récits que l’on se raconte autour du feu. Pour occuper la nuit, il y a aussi ces longues discussions au cours desquelles ils partagent les espoirs et les doutes qui les animent et les maintiennent en vie et dessinent une image sensible de ce monde qui les rejette.

 

Wasteland, so that no one becomes aware of it, de Anne Kodura – 2013

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Le temps d’un été, Anne Kodura pose sa caméra dans une ancienne caserne de l’Allemagne soviétique devenue centre d’hébergement pour les demandeurs d’asile. Momo, Mustafa et Aya sont nés là mais ils ne sont pas encore Allemands, ils parlent du Kurdistan, de la Syrie de leurs parents comme de terres lointaines emplies de souvenirs. Leur présent à eux est fait de parties de foot, de journées au lac et de discussions dans les herbes hautes de cette petite parcelle entourée de grillages qui est leur territoire. Résolument déterminés à ne pas choisir entre deux mondes, ils disent avec leurs mots d’enfants ce que c’est d’être réfugié.

 

Magna Graecia – Europa Impari, de Anita Lamanna et Erwan Kerzanet – 2015

Magna Graecia

Portrait de la Calabre en cinq tableaux, qui dépasse la seule question de l’immigration pour penser l’antagonisme nord/sud dans son ensemble et dans cet endroit particulier de l’Italie, que l’on considère aujourd’hui comme l’une des marges du monde occidental. Magna Graecia – Europa Impari ausculte une Europe mise à mal par ses propres contradictions économiques, sociales et culturelles.