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•• Cette semaine sur Tënk

11 février 2022

Losqu’Alina Marazzi ouvre le tiroir aux archives, elle en extrait de la lumière. Nous sommes très heureux de vous présenter cette semaine un beau Fragment d’une œuvre consacré à cette cinéaste italienne importante, méconnue en France.

Notre Coup de cœur se porte sur Juste une heure toi et moi. Parce que la matière même du film est déjà sublime : des images filmées par le grand-père de la réalisatrice, images familiales d’un milieu aisé, des mariages et des vacances, tout ce qu’on filme parce que c’est le bonheur. Mais Alina Marazzi y guette l’inquiétude, les regards de sa mère parfois un peu ailleurs, la beauté de sa jeunesse, aussi. En enquêtant sur le malheur qui s’immisçait chez cette femme et la dépression qui la gagnait, elle nous entraîne dans les vies de plusieurs générations et c’est bouleversant. Ce qu’on devient, les chemins qu’on prend et comment, par le cinéma, on peut se réapproprier sa propre histoire…

Dans Pour toujours, la réalisatrice interroge d’autres chemins : elle part à la rencontre de celles qui choisissent de s’engager dans une communauté religieuse, interrogeant plus largement la possibilité de dire “per sempre” – “pour toujours” – dans nos sociétés contemporaines. Vogliamo anche le rose, lui, travaille les archives de manière historique et retrace par trois récits intimes les luttes féministes des années 60-70 en Italie : une manière, aussi, d’interroger aujourd’hui les conquêtes du passé, et comment elles peuvent être fragiles.

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Les archives sont également bien présentes dans deux des quatre autres films qui constituent notre programme de la semaine, qui nous parle de l’histoire de la colonisation. Dans le mythique La Zerda, ou les chants de l’oubli, la romancière algérienne Assia Djebar déconstruit la propagande coloniale française des actualités Pathé-Gaumont de 1912 à 1942, interrogeant ainsi “le voyeurisme prédateur du regard colonial”. Un puissant essai poétique, reconnu comme un film-jalon dans la réappropriation des images, de la parole, de l’histoire même !

C’est d’images aussi qu’il s’agit dans African Mirror : celles fabriquées tout au long du 20e siècle par René Gardi, écrivain-réalisateur célèbre en Suisse pour ses multiples conférences et reportages, au Cameroun en particulier. Le film, sans autre commentaire que les mots de Gardi lui-même, parvient par son montage à exposer la coupable ambiguïté d’un homme qui, par le prétexte de la découverte et la fabrication d’images qui nourriront nos fantasmes exotisants, se rend finalement entièrement complice du discours raciste dominant qui a accompagné toute la colonisation.

Nous vous invitons également à découvrir Lèv la tèt dann fenwar, un film fièrement soutenu par Tënk en production. Une histoire de famille, l’exploration d’un passé – celui du père de la réalisatrice – jusqu’alors tenu secret, non dit, et dont les douleurs trouvent leurs racines dans l’histoire coloniale française.

Enfin, un drôle d’objet, un poème amer et mystique : L’Évangile du cochon créole. Ce court métrage de Michelange Quay, accompagné par le saxophone de Julien Lourau, évoque l’histoire haïtienne par le cochon : plus précisément, par l’ingérence américaine dans l’histoire du pays, représentée par l’extermination des cochons noirs créoles sous la dictature en 1978 pour les remplacer par les cochons roses du Nord…

Bons films !